Jean Castex a annoncé, dans le cadre du 3ème confinement, une interdiction de la consommation d’alcool sur la voie publique. Une annonce inattendue de la part d’un exécutif très sensible aux intérêts du lobby alcoolier.

Il faut replacer cette mesure dans un contexte compliqué, car elle est différente de l’interdiction totale de vente d’alcool qui avait été proposée par deux préfets (Aisne et Morbihan) lors du premier confinement, et contre laquelle Addictions France avait publiquement manifesté son opposition. En effet, l’interdiction totale de la vente d’alcool pouvait faire courir un risque vital aux personnes alcoolodépendante, en provoquant un syndrome de sevrage brutal et non accompagné médicalement, pouvant conduire à des crises convulsives ou un delirium tremens.

La mesure prise par le gouvernement ne concerne pas l’interdiction de vente, car on peut toujours se procurer de l’alcool dans les commerces d’alimentation, et toujours chez les cavistes considérés complaisamment comme essentiels. Mais l’interdiction de le consommer dans la rue, en contexte épidémique, répond à l’objectif de réduction des risques et des dommages liés à la propagation du virus et aux contaminations des personnes.

En effet, la consommation d’alcool favorise d’abord les concentrations de personnes car elle est systématiquement, « culturellement », associée à la convivialité et aux relations sociales amicales. Or, les réunions de personnes, au statut indéterminé par rapport à la contamination, sont un facteur de dissémination du virus.

Ensuite, la consommation d’alcool favorise la désinhibition, le relâchement, et provoque une douce euphorie (au minimum) qui entraine des rapprochements qui ne vont pas dans le sens d’un respect des gestes barrières.

On peut certes regretter que les Français ne s’interdisent pas d’eux-mêmes ces consommations de groupe sur la voie publique mais, en l’absence de cette responsabilisation collective, la mesure d‘interdiction prise par le gouvernement en situation d’urgence épidémique correspond à une rationalité peu contestable, puisque chacun peut continuer à acheter et consommer à son domicile, et que les consommateurs dépendants ne sont pas mis en situation de risque pour leur santé et leur vie.

Quant aux personnes sans abri qui n’ont d’autre choix que de consommer de l’alcool dans la rue, rappelons qu’il existe aussi des dispositifs spécifiques mis en place dans certaines structures d’hébergement d’urgence, comme à Paris où l’équipe d’Addictions France propose une démarche d’accompagnement à destination de CHRS souhaitant envisager une autorisation encadrée de la consommation d’alcool.

 

 

Docteur Bernard Basset
Président Association Addictions France