Le 29 décembre 2022, le Conseil d’Etat a définitivement annulé l’interdiction de vente de fleurs et de feuilles de chanvre contenant du CBD et une très faible teneur en THC (la molécule responsable des effets psychotropes du cannabis). Cette décision de la plus haute juridiction administrative signe la défaite complète du Gouvernement qui s’était engagé dans une guérilla juridique qui n’a connu que des défaites (auparavant devant la Cour de Justice de l’Union européenne et devant la Cour de cassation).

Le Gouvernement a mené cette bataille totalement irrationnelle au nom de sa rigidité sur la prohibition du cannabis, dont l’échec est particulièrement criant en France. En effet, si le Gouvernement voulait interdire les plantes contenant du CBD, c’est qu’il met en avant le risque de confusion avec le cannabis à base de THC. Mais toutes les juridictions, qui ont donné tort à l’Etat, ont relevé que le CBD ne pouvait pas être considéré comme un stupéfiant (au sens juridique) car il n’avait pas d’effets psychotropes et de provoquait pas de dépendance. Par conséquent aucun argument de santé publique ne pouvait justifier son interdiction.

Le Gouvernement avait également soulevé la difficulté pour les forces de l’ordre de différencier, à l’œil nu lors des contrôles, le chanvre à CBD et le cannabis avec THC. Le juge a considéré que les policiers et gendarmes pouvaient faire des tests rapides pour différencier les produits plutôt que d’interdire un produit sans risque pour la santé.

D’autres arguments ont soutenu cette position juridique, en particulier la libre circulation des marchandises dans l’Union européenne (le CBD est produit et autorisé depuis plusieurs années en Tchéquie par exemple).

On ne peut pas comprendre cette obstination du Gouvernement français autrement que par sa position morale : la prohibition du cannabis, quel qu’en soit la forme (CBD ou THC), est une loi d’airain. Qu’importent la consommation de masse du cannabis, le soutien à une économie souterraine qui enrichit le crime organisé, la légalisation dans des pays comparables (Canada, et bientôt Allemagne), ou encore l’impact bien moindre que l’alcool ou le tabac pour la santé publique, il faut surtout rester droit dans ses bottes. Telle est la ligne officielle, présentée comme intangible.

Mais, ce faisant, le Gouvernement, par sa volonté de prohibition du CBD comme du THC, a lié les deux molécules entre elles. Le désaveu juridique ne peut donc que fragiliser sa communication sur le cannabis à base de THC. D’autant que les marchands de « bien-être » jouent eux leur carte marketing en proclamant qu’ils vendent du « cannabis légal »[1]. Les « bienfaits » du CBD ne sont nullement démontrés, mais le lobby du chanvre va surfer sur la confusion.

Le bilan de cet épisode juridico-commercial est que la position purement morale voire moralisatrice, qui prévaut en matière de prohibition, rencontre des limites de plus en plus évidentes.

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[1] https://addictions-france.org/datafolder/uploads/2021/06/Decryptages-N-45-Le-CBD-cannabidiol-2021.pdf

 

Bernard Basset
Médecin spécialiste en santé publique
Président d’Addictions France