Cocaïne : la loi du marché
Le 16 décembre 2025
L’Observatoire Français des tendances addictives vient de publier une étude très éclairante sur le marché des drogues illicites¹. Les deux économistes à l’origine de cette recherche, Sophie Massin et Christian Ben Lakhdar, estiment que le chiffre d’affaires global moyen est de 6,8 milliards d’euros en 2023, près de trois fois plus qu’en 2010, reposant principalement sur l’essor du marché des psychostimulants (cocaïne et stimulants de synthèse).
Nous avions alerté l’année passée sur la stratégie commerciale malheureusement très performante, et par nature non régulée, de l’économie de la cocaïne², dont l’OFDT mesurait l’accroissement de la diffusion et du niveau de consommation³. En 20 ans, le nombre d’expérimentateurs de la cocaïne a été multiplié par quatre. L’étude économique de Massin et Ben Lakhdar vient utilement compléter les analyses, car elle évalue la taille respective des différents segments du marché illicite des drogues. Sur la période considérée, les principaux enseignements sont les suivants :
- Toutes les drogues ont connu une forte expansion (globalement +189% entre 2010 et 2023).
- Deux substances dominent le marché des stupéfiants en valeur : en 2023, cannabis et cocaïne génèrent à eux seuls près de 90 % du chiffre d’affaires total.
- Le marché de la cocaïne a dépassé en valeur le marché du cannabis : avec 3,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires moyen estimé, le marché de la cocaïne dépasse celui du cannabis (2,7 milliards d’euros), malgré des volumes consommés très inférieurs (47 tonnes contre 397 tonnes pour le cannabis qui reste de très loin la drogue illicite la plus consommée).
- Le marché des autres psychostimulants est en forte croissance : depuis 2010, le marché de l’ecstasy/MDMA a progressé de +637 % et celui des amphétamines de +470 %.
Ces données spectaculaires, aussi bien sur la consommation que sur le poids économique des produits illicites, sont évidemment un indicateur, il ne peut pas en être autrement, de l’inefficacité des politiques menées dans le cadre de « la guerre à la drogue ». Cette « guerre » dure depuis 55 ans, sans dévier de sa course malgré l’absence de résultats probants. Les discours martiaux se succèdent, les opérations places nettes et autres opérations d’ampleur largement médiatisées s’intensifient, mais leurs très maigres effets devraient inciter à une réflexion sans a priori. Ce n’est pas le cas, et régulièrement les coups de menton et le discours moral et culpabilisateur à l’encontre des usagers constituent le seul viatique des responsables politiques surtout en période électorale.
Face à ces chiffres alarmants, alors que les narcos étendent leur emprise sur le marché français, il serait temps de réunir autour de la table l’ensemble des acteurs pour construire, sans dogmatisme, une politique associant répression sévère à l’égard des trafiquants, accompagnement des personnes addicts et prévention auprès des plus jeunes. Les professionnels de santé sont les premiers à constater les effets délétères des produits psychoactifs, mais ils savent par expérience la vacuité réductrice des effets de tribune.
Addictions France demande de longue date un débat citoyen sur la politique envers toutes les drogues. Elle est prête à y participer et a publié récemment ses propositions en juin 2025 : « Drogues et addictions : Quelle politique ? De la morale à l’efficacité »4. Nous réitèrerons cette proposition à l’occasion des prochianes élections, en espérant que les candidats, contrairement à leurs habitudes n’esquiveront pas le débat.


Bernard Basset, Président d’honneur