La révision de la loi de 1970 s’impose !
Le cadre de la politique gouvernementale en France est inchangé depuis la loi n°70-1320 du 31 décembre 1970 qui pose en principes non seulement la répression du trafic des substances illicites, mais aussi la répression de la consommation individuelle. La consommation de substances psychoactives a depuis radicalement changé, la consommation de cannabis s’est largement banalisée et diffusée malgré sa prohibition.
Le cannabis est en effet devenu une consommation de masse avec 900 000 usagers quotidiens de cannabis (11-75 ans), près de la moitié des adultes qui l’a déjà expérimenté1 et près de 5 millions qui en auraient consommé dans l’année.
En 2016, 67 500 condamnations ont été prononcées pour infraction à la législation sur les stupéfiants. Ces délits concernent dans près de 9 cas sur 10 le cannabis. Un chiffre cependant très faible comparé au nombre de consommateurs. Pourtant, le coût de la répression imputable au cannabis représente quand même 500 millions d’euros, soit 15 fois plus que les dépenses de santé liées à la prévention et à la prise en charge (36M€).
Un des facteurs expliquant cette consommation de masse réside dans le fait que le public a une certaine connaissance des produits, de leurs effets, risques et dangerosité et ne confond pas le cannabis avec les autres stupéfiants. La faible dangerosité a « décrédibilisé » la justification de la prohibition et de la répression. Surtout quand d’autres produits plus nocifs, comme le tabac et l’alcool, restent autorisés et, dans le cas de l’alcool, promu au plus haut niveau.
En dépit de ces évolutions, le cannabis reste toujours une substance diabolisée. Son statut illicite est une entrave à une politique de prévention car les usagers sont parfaitement à même de comparer les effets des différentes drogues indépendamment de leur statut légal. Dès lors, la législation, aujourd’hui obsolète, inapplicable et contre-productive en matière de prévention et de réduction des risques, doit évoluer.
Au sein d’Association Addictions France (anciennement ANPAA), nous sommes favorables à une légalisation du produit. Cette légalisation doit cependant très encadrée afin de ne pas promouvoir un produit psychoactif ni enrichir un nouveau secteur commercial, mais accompagner les usagers, en particulier les plus jeunes.
Pour nous, une future réglementation sur le cannabis devrait intégrer plusieurs dispositions essentielles :
- La légalisation doit donner du sens en imposant pour conditions des mesures fondées sur les risques et les dommages tant en termes de santé que de sécurité, individuelles comme collectives ;
- La vente de cannabis de même que la consommation doivent être interdites aux mineurs, ce qui implique des contrôles beaucoup plus importants que ce qui est fait aujourd’hui pour le tabac et l’alcool ;
- L’accent doit également être mis sur la répression de la part du trafic qui se poursuivrait ;
- La conduite de véhicules et l’utilisation d’engins à moteur sous l’emprise du cannabis doivent être interdites ;
- La consommation de cannabis doit être interdite sur les lieux de travail et, d’une manière générale, en tout lieu où celle du tabac est interdite ;
- La publicité pour le cannabis doit être interdite ;
- La nécessité de responsabiliser les personnes exerçant des activités à risque, ou en charge d’autres personnes, doit être rappelée ;
- L’ensemble de la filière de la production (ou importation) à la commercialisation doit être placé sous le contrôle de l’État et la consommation doit être réglementée ;
- La mise en application de la loi doit être accompagnée ;
- Son suivi et une évaluation rigoureuse doivent être prévus.
Quant aux effets de cette légalisation, si l’on en croit les expériences étrangères, la légalisation du cannabis n’entraine pas une hausse exponentielle du nombre de consommateurs réguliers (même si elle conduit à plus d’expérimentations chez les adultes), du moins chez les jeunes pour qui les risques et les dommages sont les plus importants2.
La légalisation du cannabis, en faisant entrer ce produit dans l’économie légale, aura un impact positif sur le plan économique. Selon le Conseil d’Analyse Économique, une légalisation, tout en encadrant le commerce du produit et protégeant les mineurs, permettrait d’alimenter les caisses de l’État (2 milliards en hypothèse basse), de créer des emplois qui pourraient être rémunérés à hauteur de 1,2 SMIC (entre 27 000 et 57 000) et ferait entrer des cotisations sociales (230 à 530 millions d’euros)3.
Une intégration dans l’économie légale réduirait par ailleurs les trafics et les risques associés en termes de sécurité publique. C’est d’ailleurs cette logique qui justifie la position prise par plusieurs élus de grandes villes de France en faveur d’une légalisation (Reims, Charleville, Châteauroux). Une position que notre association a bien sûr immédiatement soutenue.
Télécharger la note de plaidoyer d’Addictions France sur le cannabis