Le buraliste et la poudre blanche à sniffer

Le 23 mai 2024,

Alors que la cocaïne se diffuse sur le territoire national, aussi bien géographiquement que dans les différentes catégories sociales, quelques entreprises surfent sur cette tendance pour offrir à la consommation des produits similaires à la fois en termes de présentation et de modalités de consommation. C’est ainsi que la marque Sniffy® propose différentes poudres blanches à sniffer.

La promotion commerciale flirte avec les propriétés généralement attribuées à la cocaïne et qui ont fait initialement tout leur attrait pour certaines professions qui supposent de travailler sous stress : traders, métiers de la communication… En effet, selon l’entreprise Sniffy®[1], cette poudre est destinée à booster notre énergie dans un monde où « le rythme effréné de nos sociétés nous pousse à être toujours plus productifs et nous invite à repousser nos limites« .

La promotion insiste sur le regain d’énergie que procure le produit (l’effet dure 20 à 30 minutes), « un soutien pour les activités sportives, un shot d’énergie qui booste votre corps, une aide à la concentration, une meilleure endurance« , et « un allié pour les évènements festifs« . La promotion commerciale joue en permanence sur l’ambiguïté et la ressemblance avec la cocaïne (sniff, poudre blanche, shot d’énergie, festif), mais elle précise, car tout lecteur pourrait s’interroger, que contrairement aux apparences, mais surtout à cette promotion ambiguë, cette poudre blanche n’est pas de la cocaïne, même si elle lui emprunte ses codes. Elle contient de la caféine, de la taurine (comme dans le Red Bull®) et des acides aminés. Aucun de ces produits n’est considéré comme dopant ou addictif. Le seul effet indésirable signalé par le fabricant est l’irritation nasale pour des usages prolongés (la cocaïne aussi).

Le problème de la commercialisation de ce produit n’est évidemment pas sa composition, mais sa promotion publicitaire qui repose en quelque sorte sur une cocaïne décocaïnée. La banalisation du geste (sniff), de l’apparence (poudre blanche), des motivations pour le consommer (booster son énergie, faire la fête). Sniffy® n’est pas de la cocaïne, mais il y ressemble tellement qu’il banalise indirectement son usage.

Circonstance aggravante : il existe différentes saveurs sucrées et acidulées (Fruit de la Passion, Bonbon Fraise, Nature, Menthe fraîche et citron vert) qui, n’en doutons pas, attireront les plus jeunes.

Enfin, si on peut s’en procurer par correspondance, on en trouve dans les bureaux de tabac. Les buralistes vont donc, par la vente de cette poudre blanche à sniffer, contribuer à la banalisation de la cocaïne dans notre univers. Les buralistes qui vendent déjà du tabac aux mineurs dans les deux tiers des cas et qui n’ont pas hésité à surfer sur la vague des puffs, vont poursuivre la diversification de leurs activités avec toujours un soutien important de l’Etat.

[1] https://sniffyfrance.fr/accueil/26-poudre-energisante.html

Bernard Basset,                                                     

Médecin spécialiste en santé publique

Président d’Addictions France