Le 18 février 2025

Le 17 février, les députés Antoine Léaument (LFI) et Ludovic Mendes (EPR) ont présenté devant la commission des lois les conclusions de leurs travaux sur l’efficacité des politiques de lutte contre les trafics de stupéfiants. Ce rapport, fruit de 17 mois de travail, s’appuie sur de nombreuses auditions menées auprès d’experts, addictologues, policiers, magistrats, dont Addictions France auditionnée en décembre dernier.  

Le constat des rapporteurs est sans appel : la consommation de stupéfiants a connu une forte augmentation, alimentée par une hausse de la demande et une expansion de l’offre. Tandis que le cannabis est le produit stupéfiant qui circule le plus, le marché de la cocaïne a crû depuis 2010 de 225%, approvisionné majoritairement par la voie maritime. 

Le marché des drogues, devenu particulièrement lucratif, est désormais dominé par de grands groupes criminels qui disposent de moyens financiers considérables et recourent à une violence extrême, ainsi qu’à la corruption, pour protéger leurs intérêts. 

Un changement de méthode urgent : la priorité à la prévention et au médico-social 

Face à cette situation alarmante, les deux députés insistent sur la nécessité d’une révision complète des politiques actuelles sur les drogues. Selon eux, le désinvestissement progressif des politiques de réduction des risques et de prévention, au profit d’une approche uniquement répressive, notamment à l’égard des consommateurs, a atteint ses limites. Elle n’a contribué ni à endiguer la demande ni à faire baisser le trafic, qui ne cesse de s’accentuer. 

Pour les rapporteurs, il est temps de revoir la méthode et d’adopter une approche davantage axée sur la prévention, avec une attention particulière au secteur médico-social. 

46 mesures proposées pour réformer la politique de lutte contre les drogues 

Dans cette optique, les rapporteurs ont formulé 46 propositions, dont certaines sont soutenues de longue date par Addictions France. Parmi elles : 

  • Légalisation encadrée du cannabis avec une prévention ciblée : Les deux rapporteurs plaident en faveur d’une légalisation encadrée du cannabis, accompagnée de mesures de prévention spécifiques pour les mineurs et les jeunes adultes de moins de 25 ans. L’objectif est de garantir une approche de santé publique, excluant toute forme de publicité et de vente en ligne, tout en créant un marché légal avec des prix compétitifs afin de lutter efficacement contre le marché noir comme c’est le cas au Québec.  
  • La dépénalisation des usages de drogue : la détention de stupéfiants pour une quantité inférieure à 3 grammes ne serait plus pénalisée. Cette mesure, jugée fondamentale, vise à réorienter les efforts des forces de l’ordre et des magistrats vers le démantèlement des réseaux de trafic, en mettant l’accent sur la prévention de la consommation plutôt que sur la criminalisation des petits usagers. Cette approche, qui a fait ses preuves au Portugal, a permis non seulement de dépénaliser l’usage de drogues, mais aussi de développer parallèlement des dispositifs de prévention et d’accompagnement des usagers, tout en réduisant les taux de consommation. 
  • Mettre fin à la stigmatisation des consommateurs dans les discours politiques et les supports de prévention publics : Une proposition qui s’oppose à la politique actuelle du gouvernement, qui privilégie des messages chocs visant à « culpabiliser » les consommateurs. Cette approche, jugée contre-productive, empêche une réelle prise en charge des usagers et renforce leur marginalisation.  

Ces propositions ouvrent la voie à une réévaluation globale de la stratégie de lutte contre les stupéfiants, avec un accent sur la réduction des risques et la réorientation des ressources vers des solutions de prévention plus adaptées et plus efficaces.  

Addictions France appelle le ministre de la Santé Yannick Neuder à se saisir enfin du sujet pour remettre la question de la santé et des principes fondamentaux de la prévention et de la réduction des risques au cœur des réflexions sur la lutte contre le narcotrafic. Le monopole ne peut être laissé au ministère de l’intérieur et de la justice.