L’entreprise Pernod Ricard, numéro 2 mondial des spiritueux, a annoncé le 2 septembre un accord de partenariat avec le PSG – Paris Saint-Germain. Un petit astérisque à la fin du communiqué de Pernod Ricard précise que cet accord de sponsoring avec le club de football le plus riche de France, propriété de Qatar Sports Investments (QSI), ne concerne que les activités et évènements à l’étranger. Car ce type d’accord est interdit en France par la loi Evin. 

Pourtant la totalité des commentaires dans les médias, même s’ils rappellent cette restriction, bornent leurs articles aux aspects les plus folkloriques de cette affaire. En particulier, la réaction des supporters marseillais de l’OM, qui se sentent trahis par la marque Ricard dont le siège historique est à Marseille. Les responsables du PSG, qui semblent ne pas avoir anticipé cette réaction, essaient de dédramatiser en plaidant que le PSG n’a pas signé « avec Pernod Ricard, mais avec les 240 marques du groupe, en citant par exemple les whiskies Chivas, le Malibu, les champagnes Mumm… et bien d’autres1« . Il n’en reste pas moins que Pernod Ricard devient  « le seul fournisseur de champagne et de spiritueux du club, avec des droits de visibilité et de communication dédiés ainsi que des expériences sur mesure« . La marque de spiritueux a multiplié dernièrement les contrats dans le football, notamment auprès de la Fédération anglaise de football et le club anglais d’Arsenal.  

Mais pour les acteurs de santé publique, le problème va bien au-delà de la guerre picrocholine entre les supporters des deux clubs de football. La loi Evin prohibe le sponsoring sportif et culturel par les marques d’alcool (et de tabac) afin de ne pas promouvoir, notamment auprès des jeunes, la consommation d’alcool sous prétexte de soutenir le sport et les compétitions sportives. Un tel partenariat entre un alcoolier et un club sportif est donc impossible en France, et c’est la raison pour laquelle les maillots des joueurs en particulier ne porteront aucune marque d’alcool.  

Depuis que la loi Evin a été adoptée en 1991, ces restrictions dérangent, et la loi n’a cessé d’être attaquée. La dernière offensive, lancée en août 2019 par des parlementaires inféodés au lobby alcoolier, avait précisément pour objectif d’en finir avec la disposition interdisant le sponsoring sous prétexte de devenir une « nation sportive » . Cette offensive avait échoué grâce à la mobilisation de acteurs de santé publique, dont Addictions France2. L’opinion publique avait immédiatement compris que cette grossière manœuvre ne visait pas à promouvoir les activités sportives, mais à promouvoir la consommation d’alcool auprès des jeunes, avec tous les risques inhérents dans l’immédiat (ivresses, violences…) et à long terme pour la santé ainsi qu’à augmenter les recettes des clubs, ce qui n’aurait pas manqué de bénéficier aux plus gros.   

Alors que les clubs comme le PSG sont victimes de leur adhésion à un modèle économique en crise (compétition forcenée entre les grands clubs, inflation des salaires des joueurs, instabilité des droits de retransmission…), la recherche de sponsors, en dehors de tout questionnement éthique, est une préoccupation permanente. Les alcooliers sont à l’affut et n’ont pas digéré leur défaite de 2019. Nul doute que Pernod Ricard reviendra à la charge sur l’air de « C’est possible à l’étranger, mais pas en France, ce qui est une anomalie à corriger« , d’autant que cette entreprise ne s’est jamais distinguée par son respect scrupuleux de la Loi Evin, comme l’avait mis en évidence Elise Lucet dans son émission Cash Investigation en avril 20213

A plus court terme, la communication sur ce partenariat, quand bien même elle s’accompagne de réactions outrées, n’en reste pas moins réussie puisqu’elle permet, même dans un pays doté d’une grande loi de santé publique comme la France, d’associer l’image de l’alcool au sport et à ses valeurs positives : « Ces dernières semaines, le monde entier a pu constater que le sport est synonyme d’audace, de passion et de rassemblement, des valeurs qui résonnent parfaitement avec la vocation de Pernod Ricard d’être Créateur de Convivialité », souligne Philippe Guettat, Vice-Président Exécutif en charge des Marques de Pernod Ricard.  

Addictions France (ex-ANPAA) a fait échouer par le passé des opérations publicitaires rappelant les compétitions sportives ou le sponsoring de celles-ci par des marques d’alcool. Ainsi en 2007 la campagne de Heineken lors de la Coupe du Monde de rugby, ou plus récemment à l’hiver 2023 celle de Budweiser pour la Coupe du monde de foot ont été interdites. Nous serons donc particulièrement vigilants pour que ce partenariat entre une entreprise alcoolière et un club sportif n’ait aucune incidence en France et pour que la grande loi de santé publique, dite loi Evin, soit strictement respectée.  


 
 
Bernard Basset,
Président