Pesticides : le discours d'un autre âge du patron des vins de Bordeaux
Alors que les préoccupations écologiques traversent l’ensemble du corps social et apparaissent comme un enjeu de la prochaine élection présidentielle, Bernard Farges, le puissant patron du Comité Interprofessionnel des Vins de Bordeaux (CIVB), s’enfonce dans le déni et les propos archaïques sur les conséquences de l’usage intensif des pesticides dans le vignoble.
Bernard Farges vient en effet de rendre publique son opposition à une étude scientifique de Santé publique France (SpF) et de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) qui a pour objectif de mesurer l’impact de l’exposition aux pesticides pour les riverains des zones viticoles[1]. En effet, les données épidémiologiques montrent des clusters de cancers pédiatriques et un taux plus élevé de maladie de Parkinson dans les zones proches des vignobles. Les pesticides sont-ils ou non responsable de ces pathologies, seule une étude scientifique et toxicologique conduite avec rigueur permettra de l’affirmer.
Mais le patron du lobby viticole bordelais est accro aux pesticides et à un modèle économique de plus en plus contesté. Depuis les révélations de l’émission Cash Investigation en février 2016, nous savons que la viticulture (4% des terres cultivées) est la plus grosse consommatrice de pesticides (20%). Et malgré les engagements récurrents de sortir de ce modèle dangereux sur le plan écologique et sanitaire, rien ne change, au contraire. Dans son article, Le Monde révèle que, selon le dernier bilan de la qualité de l’air en Nouvelle Aquitaine, la densité d’un pesticide (le folpel) a encore augmenté.
Bernard Farges menace de torpiller l’enquête scientifique et saisit la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine . Plutôt s’enfouir la tête dans le sable que d’affronter une réalité qui dérange ! Mais il ne comprend pas que son comportement dessert davantage les vins de Bordeaux qu’une attitude transparente et ouverte. Car on se demande inévitablement ce qu’il tient avant tout à dissimuler.
Derrière les discours sur les terroirs sans pareil, sur les gestes éternels des artisans vignerons, sur la qualité naturelle des raisins, sur la finesse des vins à déguster, sur la renommée de la Cité du Vin, se cache l’industrie chimique qui permet de gros rendements, quoi qu’il en coute à la santé et à l’environnement.
Déclaration après déclaration, Bernard Farges sème le doute sur les processus de fabrication de la viticulture. Il fait plus de mal à la réputation des vins de Bordeaux, mais aussi au travail des viticulteurs dont un nombre croissant teste de nouvelles méthodes de production (bio, vins naturels), en prônant l’omerta face à la science, que s’il s’engageait résolument dans une politique en accord avec les préoccupations de l’ensemble de la société quant à sa qualité de vie.
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[1] PestiRiv, l’étude sur les pesticides qui inquiète les vins de Bordeaux, Le Monde, 19 octobre 2021
Docteur Bernard Basset
Président Association Addictions France