Le 20 février 2025

La suggestion aussi choquante que malvenue d’une contraception obligatoire a été émise très sérieusement par un membre des Académies de Médecine et de Pharmacie, le Professeur Jean Costentin, dans une tribune sur le site d’information en ligne Atlantico. Un temps passée inaperçue en raison du caractère assez confidentiel de ce site conservateur, elle a ému largement au sein de la communauté addictologique, au point que la grande majorité des universitaires de la discipline et quelques responsables associatifs (dont le président d’Addictions France) ont interpelé le 18 février les présidents des deux Académies (1).

Le Professeur Costentin, aujourd’hui retraité, est connu de longue date pour son opposition farouche à la légalisation du cannabis. Très isolé sur cette position dans le milieu addictologique, il était depuis quelques temps discret jusqu’à cet article fracassant. En effet, non seulement, il réitère son opposition à la légalisation du cannabis, mais il vitupère de manière véhémente contre la politique de Réduction des Risques et des Dommages (RdRD) qu’il accuse d’entretenir les addictions. Dans la foulée, il stigmatise les médecins qui la pratiquent : « Ces addictologues à contre-emploi sont les gardiens des geôles dans lesquelles se sont laissés incarcérer des toxicomanes, auxquels ils prescrivent « larga manu » de la buprénorphine à haut dosage (BHD) ». Peu importe pour Jean Costentin que la RdRD ait permis d’enrayer l’épidémie à VIH chez les usagers de drogues intraveineuses dans les années 80 et que, devant ses résultats spectaculairement positifs, elle soit devenue une composante indiscutée de toute politique de prévention en addictologie, en France avec la loi de 2004 comme à l’international.

Mais Jean Costentin ne se contente pas de défendre sa logique et poursuit sur sa lancée jusqu’à déraper gravement et perdre toute référence à l’éthique médicale, et même à l’éthique tout court. En effet, s’appuyant sur ses propres hypothèses sur les processus épigénétiques, sans démonstration ou argumentation scientifique, il en vient à écrire que « Il advient que ces toxicomanes se reproduisent, délibérément ou par accident. Ils transmettent à leur progéniture, par un mécanisme épigénétique, des troubles / méfaits / tares / vulnérabilités liés à leur toxicomanie ». Reprenant un vocabulaire qu’on pensait d’un autre âge (les « tares » de personnes en fait malades), il préconise des méthodes eugénistes pour mettre fin au fléau de la drogue : « Une contraception efficace devra empêcher que le toxicomane non sevré se reproduise et ce aussi longtemps qu’il peut transmettre à sa progéniture les modifications épigénétiques induites par son intoxication ».

Il nomme ceux qu’il considère comme les responsables de ces dérives mais, parmi les nombreux politiques ou addictologues qu’il désigne ainsi à la vindicte, il fait une sélection sur la base des consonances de leur patronyme (Cohn-Bendit, Kouchner, Benyamina, Lowenstein).

De tels propos, par leur gravité, ne relèvent pas de la simple excentricité. Ils affirment des positions idéologiques inadmissibles, une absence de compassion à l’égard de personnes malades et un manquement à l’éthique. Les présidents des deux Académies ont donc été interpellés et l’Académie de Pharmacie a immédiatement désavoué Jean Costentin.

(1) Lettres aux Académies

Communiqué de l’Académie nationale de pharmacie 

 

 

 

Bernard Basset,

président d’Addictions France