À l’occasion de la publication de son rapport «Promotion de l’alcool : les réseaux sociaux, un nouveau Far West », Addictions France a organisé une conférence ce jeudi 26 septembre 2024 à la Maison de la Chimie. L’occasion de partager des résultats très préoccupants sur l’exposition des jeunes au marketing de l’alcool sur les réseaux sociaux et d’initier le dialogue avec les parlementaires présents. 

Un rigoureux travail d’observation, d’analyse et d’alerte 

Avec l’avènement des réseaux sociaux, de nouvelles possibilités marketing ont été testées par les alcooliers afin de promouvoir leurs marques :  

  • les influenceurs sont devenus des partenaires de choix pour inciter à la consommation,  
  • les réseaux offrent un espace de créativité infini permettant aux marques de créer des concepts de publicité attractifs, à l’esthétique travaillée,  
  • les marques communiquent par le biais de publications sponsorisées qui apparaissent de manière non sollicitée sur l’écran de l’utilisateur (publicités interstitielles).  

Pendant près de 3 ans, l’association a observé ces pratiques dans le cadre d’un projet financé par le Fonds de lutte contre les addictions et mené en partenariat avec Avenir Santé et l’EHESP. Addictions France a ainsi analysé plus de 11 300 contenus valorisant l’alcool sur les réseaux sociaux (publications « posts » et « stories »). Plus de 800 marques d’alcool ont été identifiées, et 483 influenceurs ont été suivis.  

Un bilan très inquiétant : la promotion de l’alcool est omniprésente avec des possibilités de contrôle très limitées et des garde-fous insuffisants

Les travaux d’Addictions France montrent les limites du cadre actuel de régulation. Il est aujourd’hui impossible d’avoir connaissance de tous les contenus alcool diffusés sur les réseaux. Alors que ces publications touchent des millions de personnes, c’est seulement après leur diffusion, et quand le mal est déjà fait, que des actions sont envisageables, avec un succès limité.  

Rappelons que la loi du 9 juin 2023 encadrant l’activité des influenceurs n’a pas interdit le marketing de l’alcool sur les réseaux sociaux. Du côté des plateformes, qui portent une responsabilité dans les contenus qu’elles hébergent, les dispositifs mis en place pour signaler les contenus illégaux apportent des résultats en demi-teinte : Instagram n’a pas supprimé 45% des contenus qui lui ont été signalés. Du côté de la justice, les procédures lancées par Addictions France sont longues et, lorsqu’une sanction est prononcée, elle est peu dissuasive.  

Les réseaux sociaux continuent donc de constituer une zone de non droit, un « Far West » qui permet une exposition massive des jeunes aux contenus valorisant l’alcool. C’est pourtant ce que la loi Evin cherchait à éviter. Selon l’EHESP, 79% des 15-21 ans déclarent voir des publicités pour de l’alcool toutes les semaines sur les réseaux sociaux. Selon une autre enquête de l’OFDT, 23% avouent que ces publicités leur ont donné envie de boire.  

Et maintenant ?

Pour Addictions France, une seule conclusion s’impose : interdire la promotion de l’alcool sur les réseaux sociaux et ainsi aligner la réglementation sur celle en vigueur pour la télévision et le cinéma. Cette mesure apparait aujourd’hui comme la seule à même d’éviter l’incitation à la consommation auprès de populations particulièrement vulnérables.  

En complément, une véritable réflexion autour de l’applicabilité de la loi devra être menée. Si l’interdiction formelle de diffuser de la publicité en faveur de l’alcool sur les réseaux sociaux permettra de prévenir la diffusion de ces contenus, un arsenal renforcé de mesures pour contrôler les contenus et sanctionner les contrevenants à la loi devra également être mis en place.  

La conférence de ce jeudi 26 septembre a été l’occasion d’amorcer une véritable dynamique autour de ces propositions.  

« L’alcool est un sujet de société, il est par exemple présent dans 1 féminicide sur 2 et dans 30 % à 40 % des cas de condamnations pour violence. On ne peut plus faire comme si le marketing déployé par les grands industriels de l’alcool n’avait pas de conséquences. Sans diaboliser ce produit, nous demandons au Gouvernement et au Parlement d’être ouvert sur nos propositions qui visent à réduire les risques et les dommages qui coûtent 102 milliards d’euros par an à la société. »  

Myriam SAVY, Directrice du plaidoyer d’Addictions France