L’importance de l’entourage 

L’addiction traduit la rencontre entre un produit, une personne et son environnement selon la définition donnée par le psychiatre Claude Olievenstein[1]. Cet environnement est aussi composé de l’ensemble de ceux qui entourent la personne addict. Alors que la pratique addictive s’ancre progressivement dans le quotidien, les membres de l’entourage deviennent des témoins privilégiés mais aussi les premiers touchés par la dépendance  

Si les conduites addictives impactent l’équilibre relationnel et personnel des personnes consommatrices[2], l’enjeu du « vivre avec » pour les proches ne doit pas être sous-estimé. Qu’il soit familial, amical, conjugal ou professionnel, l’entourage constitue un rempart fondamental contre l’isolement et le « perdre pied ». C’est sur lui que repose parfois la sortie du déni, voire la décision de se faire accompagner.

Selon l’Insee, « les personnes isolées de leur entourage et de leur famille ont presque 30 % de chances en moins d’obtenir de l’aide en cas de besoin que les personnes non isolées, les personnes isolées de leur famille 8 % de chances en moins et celles isolées de leur entourage 5 % de chances en moins[3]».  

 

Trouver la bonne posture 

Identifiées comme des maladies chroniques, c’est-à-dire « de longue durée, évolutives, avec un retentissement sur la vie quotidienne[4] », la dépendance et l’addiction impliquent la forte sollicitation d’un entourage qui se trouve souvent démuni, isolé et porteur d’un sentiment de honte dans une société dans laquelle l’addiction est encore tabou. Les conséquences sur les proches, tant les comportements directement issus des consommations que l’impact sur l’économie de la famille ou les relations interpersonnelles sont multiples. La souffrance peut se manifester de différentes manières : déni, sentiment d’impuissance, épuisement, culpabilité, codépendance… Ainsi « la personne de l’entourage « se rend malade » de la problématique addictive de l’autre et, consécutivement, « se rend malade » du sentiment de sa propre incapacité à y remédier et à aider l’autre[5] ».  

 

Quel accompagnement  ? 

Face à un fardeau trop lourd à porter, les proches doivent pouvoir eux aussi bénéficier d’un accompagnement, d’une écoute, de lieux d’échanges tant au sein de groupes de parole (auto-support) qu’auprès de professionnels. Il s’agit, dans un premier temps, de les aider à aller mieux, à sortir de l’isolement, à les déculpabiliser du temps qu’ils ne passent pas avec la personne malade. Cela afin de leur permettre, dans un second temps, de pouvoir agir, s’ils le peuvent, sur la réduction des risques et des dommages 

Pour mener ce travail, les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) peuvent aider. En effet, les CSAPA accueillent tant les personnes en difficulté avec des conduites addictives que les personnes de l’entourage, que la personne addict soit ou non entrée dans un parcours de soin. Le travail des professionnels consiste notamment à reconstruire un dialogue, à aider à trouver les clefs de communication qui soient les plus audibles et accessibles selon la singularité de chaque situation. Au sein des CSAPA, l’accompagnement de l’entourage constitue un enjeu aussi important que complexe pour les professionnels. Il s’agit d’aider les personnes à vivre avec (ou soutenir une volonté de départ), mais aussi de préparer le retour à une vie sans addictions. Car si une personne en proie à des addictions va mieux quand elle s’en sort, le proche, à l’inverse, est encore dans la souffrance d’un passé toujours vif, plein d’amertume et de ressentiment à l’égard de celui qui va mieux. Accompagner l’entourage à la fin d’un parcours de soin est donc fondamental pour permettre à chacun de (re)trouver une autre place que celle qu’il occupait jusque-là. Aider à retrouver l’équilibre, c’est aussi cela le sens de l’accompagnement.  

 

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[1] Jean-Luc Vénisse et Marie Grall-Bronnec, « Prévenir et traiter les addictions sans drogue Un défi sociétal », 2012, Elsevier Masson SAS

[2] Scroccaro, Nathalie. « Chapitre 1. Attitudes et rôles de l’entourage face aux addictions des jeunes », , Les addictions à l’adolescence. Comprendre et intervenir auprès des parents et des proches », sous la direction de De Boeck Supérieur, 2017, pp. 9-45.

[3] J.-B. Champion, C. Collin, P. Glénat C. Lesdos-Cauhapé, V. Quénechdu, « 3 % des individus isolés de leur famille et de leur entourage : un cumul de difficultés socioéconomiques et de mal-être », ISSN 0997 – 6252 (web), 2019, p 1

[4] Ministère de la santé et de la prévention, « Vivre avec une maladie chronique », site web consulté le 27/10/2023.

[5] ANPAA, « TRAVAILLER POUR ET AVEC LES PERSONNES DE L’ENTOURAGE », consulté le 27/10/2023, URL : https://addictions-france.org/datafolder/uploads/2021/02/Guide-reperes-Entourage.pdf, p11