La paquet neutre : une mesure vraiment efficace dans la lutte contre le tabagisme
Il y a 20 ans, la France ratifiait la Convention Cadre de l’OMS dans le cadre de la Lutte Anti-Tabac (CCLAT). En 2014, le conditionnement des produits du tabac a fait l’objet d’une directive européenne visant à renforcer l’information sanitaire liée au tabac et en réduire ainsi la consommation. En application du Programme national de réduction du tabagisme (2014-2019), le « paquet neutre » a été rendu obligatoire en France par le décret 1er janvier 2016. À l’occasion du Mois sans tabac, faisons le point sur les résultats de cette mesure de protection de la santé publique contre le tabagisme, fléau responsable de 75 000 décès par an.
Le paquet “neutre “ se caractérise par la standardisation de la couleur et des textes combinée à l’apposition systématique d’images et de messages sanitaires « chocs » sur les conditionnements des cigarettes. Une mesure forte à visée sensibilisatrice qui a permis de lutter contre l’effet publicitaire du packaging et de mieux mettre en garde sur la nocivité du produit et son risque mortel.
Un renforcement de l’avertissement sanitaire qui a conduit à un changement avéré de la perception liée au tabac
Si sa généralisation a pu créer débat, avec notamment une opposition des industriels et des buralistes, le « paquet neutre » est désormais entré dans le champ visuel collectif et a rapidement participé à la lutte anti-tabagisme. C’est ce qu’ont conclu les baromètres 2016 et 2017 publiés par Santé publique France sur la perception du paquet de cigarettes par les fumeurs (avant et après la mise en place du paquet neutre).
Le paquet neutre a induit une baisse presque immédiate d’attractivité liée au tabac et du phénomène d’attachement à une marque : “la part de fumeurs qui déclaraient que l’aspect de leur paquet de cigarettes leur plaît a été divisée par trois entre 2016 et 2017. Les fumeurs qui sont gênés de sortir leur paquet à la vue de tous à cause de son aspect sont deux fois plus nombreux en 2017 qu’en 2016“. De fait, ce conditionnement a permis de contrer les effets du marketing incitatif avec des messages et des images créant un “effet de peur” et de dégout, rendant visibles certaines des graves conséquences physiques des cancers induits par le tabac, comme celui des poumons ou de la gorge.
Une étude française particulièrement probante
L’agence gouvernementale Santé publique France affirme que plus d’une soixantaine d’études dans le monde atteste de l’efficacité des paquets neutres, aussi bien pour réduire l’attractivité du tabac que pour faire baisser la consommation.
Publiée en 2018, l’étude DePICT (Description des Perceptions, Images et Comportements liés au Tabac) commanditée par l’Institut National du Cancer (INCa) et coordonnée par l’Inserm a permis d’interroger 8 000 adultes (de 18 à 64 ans) et 4 000 jeunes (de 12 à 17 ans) représentatifs de la population française. Ses résultats révèlent eux aussi une prise de conscience quant à la dangerosité du tabac entre 2016 et 2017, soit un an après la mise en place des paquets neutres.
Un effet dissuasif surtout auprès des jeunes générations
Cette même enquête relève une forte baisse du nombre de jeunes nouveaux fumeurs, et une légère baisse du nombre de fumeurs en général. Le paquet neutre a probablement été l’une des mesures qui ont contribué à la baisse historique de la prévalence du tabagisme entre 2016 et 2017, bien que d’autres facteurs – notamment le prix du tabac et les campagnes de sensibilisation comme le Moi(s) sans tabac – aient également joué un rôle dans cette diminution. De son côté, l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) a estimé que « cette mesure pourrait, chez les adolescents, contribuer davantage à prévenir l’initiation au tabagisme qu’à favoriser l’abandon du tabac ».
Aller plus loin dans la lutte contre le tabagisme
D’autres mesures doivent être conduites comme une poursuite de la hausse régulière du prix du tabac – qui a aussi montré de réels effets sur la baisse des ventes -, et une politique de prévention et d’aide au sevrage tabagique plus systématique, notamment auprès des populations précaires. Par ailleurs, en France, il s’agirait maintenant d’étendre la loi du 26 janvier 2016 relative au paquet neutre, qui ne s’applique qu’aux cigarettes et au tabac à rouler, aux autres produits du tabac, comme les cigares ou la chicha. C’est d’ailleurs ce que prévoit le nouveau programme national de lutte contre le tabac 2023-2027.
Par ailleurs, Addictions France s’est déjà positionnée en faveur de l’interdiction de fumer dans les lieux publics qui pourrait bientôt être appliquée en France et dans toute l’Europe. Cette mesure proposée par la Commission européenne en septembre 2024 permettrait de protéger les plus vulnérables du tabagisme passif, notamment les enfants. Elle préconise d’interdire de fumer dans les espaces extérieurs tels que les terrasses des cafés, les arrêts de bus, les parcs et les hôpitaux.