Addictions France a ouvert ses premiers lits d’accueil médicalisés (LAM) à Amiens
Catherine Ricard, responsable des soins au LAM à Amiens, et Magali Doyen, conseillère en économie sociale et familiale dans le même établissement, présentent le fonctionnement et les dynamiques de travail au sein du LAM. À partir de leurs expériences, on vous explique tout.
Qu’est-ce qu’un LAM (Lits d’Accueil Médicalisés) ?
Le LAM est un établissement médicosocial proposant un hébergement avec des soins médicaux et une aide à la vie quotidienne. Il accueille des personnes marquées par des expériences de vie dans la rue, quelle que soit leur situation administrative ou pathologie. La prise en charge passe également par un accompagnement social personnalisé visant à faire reconnaître et valoir leurs droits mais aussi à les encourager dans l’élaboration et la mise en œuvre de leur propre projet de vie.
Ouvert 7j/7 et disposant d’une équipe de soin mobilisée en permanence, l’accompagnement est assuré par une équipe pluridisciplinaire qui s’est constituée autour d’une directrice, une cadre de santé, un médecin, une travailleuse sociale, une secrétaire, un animateur, une maîtresse de maison, sept postes infirmiers et cinq postes d’aides-soignants, et une psychologue, quasiment tous à temps plein.
Malgré une ouverture retardée par l’épidémie du COVID, le LAM d’Amiens accueille aujourd’hui 20 résidents pour un total de 21 lits disponibles. Tous ont dû remplir et envoyer un dossier d’admission présenté à l’équipe pluridisciplinaire dans le cadre d’une présélection. Pour autant, les profils ne répondant pas aux critères d’admission ne sont pas laissés de côté. « Tous les refus sont justifiés, et les dossiers réorientés vers des structures plus adaptées lorsque cela est possible », précise Catherine Ricard, cadre de santé au LAM d’Amiens. Pour tous les futurs résidents, l’expérience du LAM débute avec une visite d’admission. Celle-ci doit leur permettre de découvrir les locaux et d’établir un premier contact avec les équipes.
« À l’image de tous les établissements d’Addictions France, le LAM d’Amiens est une structure d’accueil où les valeurs chères à l’association guident l’action des professionnels : humanisme, bientraitance, respect… »
Accompagner tous les parcours de vies
Le public des LAM est généralement marqué par des expériences, souvent très longues, de vie dans la rue, avec un « fonctionnement de rue hiérarchisé, des vies compliquées ». Dès l’ouverture de la structure, les équipes ont dû apprendre à adapter leur pratique à des personnes qui, du jour au lendemain, ont quitté leur quotidien de rue pour intégrer un établissement confortable.
« Un des résidentes a rejoint le LAM d’Amiens à 59 ans, après plus de 30 ans de vie dans la rue. Il souffre d’une maladie respiratoire chronique grave ainsi que d’une addiction au tabac et à l’alcool. Il a connu le LAM par l’intermédiaire de son foyer après plusieurs tentatives de réinsertion infructueuses. Aujourd’hui, grâce aux soins et l’accompagnement dont il bénéficie, son état physique et comportemental s’est amélioré. Malgré des moments compliqués, son âge et son « expérience de rue » le poussent parfois à jouer un rôle de modérateur vis-à vis des autres résidents ».
Alors que les premières semaines sont souvent marquées par le soulagement d’être accueillis dans un cadre sécurisant, des difficultés peuvent apparaître après quelques mois. Intégrer un établissement avec des règles de vie est parfois compliqué à gérer pour les résidents et les équipes, « c’est se confronter à une gestion des contraintes qu’ils ne connaissaient pas », explique Magali Doyen, Conseillère en Economie Sociale et Familiale au LAM d’Amiens.
S’ils sont libres de se déplacer à leur guise, il leur est demandé de ne pas quitter les locaux avant 8h30 afin de pouvoir suivre leurs traitements. Au-delà des soins prodigués, l’accompagnement du LAM repose également sur la réinsertion sociale grâce au retour à la vie en collectivité. Cependant l’équilibre de celle-ci dépend en grande partie de la capacité des résidents à adhérer au projet de la structure.
« Le quotidien du LAM est rythmé par des heures de repas fixes, des temps de soins mais également des rendez-vous médicaux, sociaux et juridiques en extérieur auxquels les résidents doivent se rendre ».
Face à un passé judiciaire ou carcéral complexe, un parcours de rue difficile ou à des comportements addictifs, certains profils sont plus complexes à accompagner que d’autres. À titre d’exemple, l’addiction à l’alcool constitue à ce jour la forme de dépendance la plus difficile à gérer pour les équipes. Pour y répondre au mieux, le LAM d’Amiens s’inscrit dans une démarche de réduction des risques et des dommages : « des contrats de soin avec les médecins et les équipes sont proposés. On réoriente également vers des consultations en centre d’addictologie (CSAPA) si nécessaire ». Catherine Ricard le rappelle : « un LAM n’est pas un centre de cure et les problèmes d’addictions ne touchent pas tous les résidents ».
Des équipes au plus près de la réalité des résidents
Les équipes du LAM manquent parfois d’informations sur les parcours de vie des résidents qui se confient peu. Pourtant, la connaissance du cadre social et médical par lequel chaque personne accueillie est passée est une notion importante. Ce point de départ permet d’apprécier la marge de progression individuelle. Celle-ci peut être lente et inégale, car il est très difficile de changer les dysfonctionnements sociaux intériorisés au cours de telles expériences de vie. Ainsi, le cadre donné par la structure pour assurer le bien-être collectif est parfois vécu comme une forme d’intrusion dans le quotidien. Magali Doyen explique qu’en tant que professionnel, « il ne faut pas se projeter, ne pas avoir d’attentes, et vivre les progrès des résidents au jour le jour ».
L’accompagnement au sein du LAM, qui n’est pas limité dans le temps, vise à soutenir les résidents dans des projets de vie ancrés dans le présent (consommer moins, participer à des activités de vie collective…). Les équipes reconnaissent que certains résidents ne pourront peut-être jamais se réinsérer complètement ou redevenir autonomes, dans ce cas des projets d’orientation peuvent être envisagés (EHPAD, Foyer d’hébergement).
Un engagement profond et essentiel
Tous les collaborateurs ont choisi de venir travailler dans cette structure au regard de la spécificité de la population. Au cœur des préoccupations de chacun se trouve la volonté commune de placer la communication, la bienveillance, l’entraide et l’empathie comme principes actifs de tous les rapports humains, avec les résidents comme entre les membres de l’équipe. Pour Catherine Ricard, il y a aussi l’envie de maintenir un cadre de soin où les professionnels et les cadres de santé « ont du temps et des ressources matérielles suffisantes pour travailler correctement ». La réussite d’un tel dispositif a également permis l’ouverture d’un nouveau LAM à Saint-Quentin dans l’Aisne, prévu en janvier 2025.