L’étiquetage numérique : un écran de fumée favorable aux industriels

Le Plan européen de lutte contre le cancer, adopté en 2021, affirmait l’importance de renforcer l’information des consommateurs sur les risques liés à l’alcool. Contrairement aux ambitions affichées, l’Union européenne n’a, 4 ans après, toujours pas réussi à étendre à tous les alcool les obligations d’étiquetage s’imposant aux denrées alimentaires (affichage sur les contenants des ingrédients, calories et informations nutritionnelles), y compris aux boissons titrant moins de 1,2 % vol. Les boissons alcooliques continuent donc à bénéficier d’une exception que « rien ne justifie » comme le déclarait un rapport de la Commission européenne en 2017.

 

Des termes marketing imposés par les lobbies

Dans son « paquet vin », la Commission européenne propose aujourd’hui d’aller encore plus loin dans les dérogations accordées au secteur du vin en dépit du Règlement n°1169/2011 sur l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires (règlement FIC), notamment :

  • Introduire des QR codes pour fournir les informations sur les ingrédients via des symboles ou pictogrammes ;
  • Remplacer les termes standard « vins désalcoolisés » et « partiellement désalcoolisés par de nouvelles catégories d’alcool, à savoir du « vin sans alcool » (jusqu’à 0,5% vol) et du « vin léger en alcool » (jusqu’à 30% en dessous du titre alcoométrique minimal).

Concrètement, on pourrait voir apposer sur des bouteilles de vin titrant à 8 ou 9% par vol. la mention « light » ou « léger en alcool », alors même qu’elles dépasseront de loin des bières ou d’autres boissons alcooliques. Ces nouvelles dénominations, ardemment défendues par les organisations professionnelles, risquent donc d’induire en erreur les consommateurs en jouant sur l’illusion de produits « plus sains ». 

Le parallèle avec les « cigarettes light » doit être souligné : à l’époque, ces produits ont été utilisés pour retenir des consommateurs soucieux de leur santé, tout en entretenant leur dépendance. Que l’on parle de tabac ou d’alcool, les termes “light” ou “léger en alcool”, non définis juridiquement, relèvent d’une même stratégie : désinformer sous couvert de simplification.

 

Une offensive sectorielle au mépris de la santé publique

Alors que la Commission européenne tarde à tenir ses promesses d’étiquetage obligatoire des boissons alcoolisées, elle avance à marche forcée pour satisfaire les demandes de la filière viticole. Cette asymétrie est inacceptable.

Les déclarations récentes de représentants de la filière, se félicitant d’avoir obtenu un pictogramme en lieu et place d’une véritable information nutritionnelle, ou encore d’avoir imposé des termes marketing plus “lisibles”[1], montrent clairement que ces évolutions ne sont pas neutres. Elles sont le fruit d’un lobbying intensif, et non d’un arbitrage équilibré entre économie et santé.

 

Addictions France demande un engagement politique

Addictions France, à l’instar de ses partenaires européens réunis au sein de l’alliance Eurocare, appelle les autorités françaises à rejeter les dispositions du “paquet vin” qui affaiblissent le droit à l’information, entretiennent la confusion et minent les efforts de prévention.

La santé des Européens ne doit pas être la variable d’ajustement des intérêts économiques. Le vin est un produit alcoolique comme un autre : il doit être soumis aux mêmes exigences d’étiquetage, de transparence et de responsabilité vis-à-vis des consommateurs.


[1] Commission européenne : une réforme ambitieuse via un « Paquet vin » – La Champagne Viticole