Caméras « augmentées » pour estimer l’âge : Addictions France salue la position de la CNIL
Addictions France salue la position de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), publiée ce vendredi 11 juillet, selon laquelle « l’utilisation de caméras “augmentées” pour estimer l’âge des clients des bureaux de tabac afin de contrôler la vente de produits interdits aux mineurs n’est ni nécessaire, ni proportionnée ».
Cette position, très attendue, au regard du déploiement de ces dispositifs en France chez les buralistes mais aussi dans les distributeurs multiservices en libre-service rappelle qu’aucune technologie ne peut ni ne doit se substituer à l’application rigoureuse de la loi, notamment en matière de vérification de l’âge par les commerçants eux-mêmes. Ce type de dispositif risquerait au contraire de dédouaner les vendeurs de leur responsabilité de contrôle de l’âge de leurs clients en pointant une éventuelle défaillance technique de l’outil.
Cette logique dilatoire retarderait l’application immédiate et effective de la loi. Addictions France partage les préoccupations exprimées par l’Alliance contre le tabac (ACT) : un tel dispositif ne constitue en aucun cas une réponse satisfaisante au non-respect de l’interdiction de vente de produits à risques aux mineurs (alcool, jeux d’argent, tabac). Il soulève par ailleurs de nombreuses questions éthiques, juridiques et d’efficacité, tout en détournant l’attention de l’enjeu fondamental : protéger les mineurs qui sont plus vulnérables face aux produits addictifs.
Une législation claire, mais trop peu appliquée
La législation actuelle est sans ambiguïté : les buralistes, tout comme les débits de boissons ont l’obligation d’exiger une preuve de majorité. Il ne s’agit pas d’une simple formalité, mais d’une obligation légale non substituable par un outil automatisé. Pourtant, sur le terrain, ces obligations sont largement ignorées. D’après l’enquête du Comité national contre le tabac (CNCT), 2/3 d’entre eux continuent de vendre des produits de la nicotine aux moins de 18 ans. Ce constat vaut aussi pour la vente d’alcool : selon les dernières enquêtes publiées par Addictions France, 86 % des supermarchés et épiceries, et 97 % des bars et cafés, vendent de l’alcool à des mineurs. Seuls 9 % des établissements demandent aujourd’hui une pièce d’identité pour vérifier l’âge de leurs clients.
Auditionnée par la CNIL, Addictions France a rappelé que ces dérives ne justifient en rien le recours à des technologies intrusives. Ce sont avant tout les obligations existantes qu’il faut faire appliquer, renforcer et contrôler.
Former, contrôler, responsabiliser, pas déléguer. Des outils éprouvés pour faire respecter l’interdit protecteur
Pour remplir leurs obligations de vérification de l’âge, des solutions existent :
- Former les professionnels à la vérification de l’âge,
- Systématiser la demande de pièce d’identité officielle à tout client paraissant avoir moins de 25 ans (la présentation d’un simple fichier PDF ne peut suffire et doit faire l’objet d’un refus de vente d’alcool)
- Mettre en place des outils facilitant le calcul de l’âge pour le personnel de caisse, comme la lecture optique de la pièce d’identité.
Avant de recourir à des technologies comportant des risques pour les droits et libertés fondamentaux des personnes, les buralistes, distributeurs multiservices en libre-service et débits de boissons doivent avant tout s’engager à respecter la loi, comme le leur impose leur rôle dans la prévention des conduites à risque.
Le contrôle le plus simple – et le plus fiable – consiste à demander une pièce d’identité aux jeunes paraissant avoir moins de 25 ans et à vérifier leur date de naissance.
Protéger les mineurs, pas les profits
Addictions France continuera de défendre une application stricte de la réglementation, dans l’intérêt supérieur de la santé publique et de la protection des mineurs. Un chiffre d’affaires ne saurait reposer sur des ventes illégales à des mineurs. Le contrôle repose avant tout sur la responsabilité humaine, et non sur la délégation de cette responsabilité à des dispositifs technologiques.
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