Banalisation de l’alcool sur les réseaux sociaux : nouvelle victoire judiciaire pour Addictions France face à Meta
Paris, le 19/08/2025
Par un jugement rendu le 7 avril dernier, le tribunal judiciaire de Paris a condamné Meta, la société mère de Facebook et Instagram, à retirer 26 contenus jugés illicites sur Instagram et Facebook. Ces contenus, publiés par 13 influenceurs différents, ont été reconnus comme contraires à la loi. Ils cumulent à eux tous plus de 6 millions de followers. Le juge a non seulement ordonné leur retrait, mais a également enjoint à Meta de transmettre à Addictions France les données d’identification des auteurs de ces contenus. La décision est susceptible de recours.
Quand l’histoire se répète : Meta de nouveau condamné
Un peu plus de deux ans après une première condamnation pour violation de la loi Evin, le groupe Meta est de nouveau sanctionné par le juge français pour des faits similaires.
Ont été soumis au juge des publications d’influenceurs indifférents aux demandes amiables formulées par Addictions France, contrainte de signaler à Meta les contenus problématiques diffusés sur Instagram. En l’absence de réaction de la part de l’hébergeur, Addictions France a saisi la justice qui a donné raison à l’association dans un jugement du 7 avril 2025.
Les influenceurs en cause
La décision identifie les influenceurs sous les pseudonymes suivants : juanarbelaezchef, romainp_, juliensebbag, julienduboue, malikamenard, fastgoodcuisine, whoogys, justinaccessible, lizzycausyn, alaiajeanneau, xxcaillouxx, rsimacourbe et pazapah
La banalisation de l’alcool sur les réseaux sociaux
La décision est remarquable par la variété des contenus épinglés : on retrouve tant la promotion explicite et directe de marques d’alcool ou de produits alcoolisés, tels que Martini, Heineken, 8.6 ou encore Corona, en lien avec des moments festifs et d’évasion, que des publications humoristiques et des formats insidieux, glissés dans des scènes du quotidien comme le repas et l’apéritif.
La décision lève aussi l’ambiguïté soulevée par le secteur alcoolier et l’ARPP : contrairement à ce que prétendent ces derniers dans leurs guides « d’autorégulation », des posts de « chefs » (Whoogys, juanarbelaezchef), valorisant explicitement des marques d’alcool dans les recettes ou pour en accompagner la dégustation, ont été condamnés par le juge.
Ce jugement contribue à donner du cadre au secteur de l’influence et aux marques d’alcool qui ne peuvent plus s’abriter derrière le prétexte des zones grises de la loi Evin.
Meta face aux contenus illicites : une posture qui interroge
Encore récemment, dans une réponse adressée à Addictions France suite à une série de signalements, la plateforme a indiqué ne pas vouloir se positionner et invité l’association à saisir la justice pour obtenir la confirmation du caractère illégal des publications signalées. Le temps de traitement des signalements est également sujet à interrogation, y compris lorsqu’Addictions France agit en tant que signaleur de confiance : il aura fallu 6 semaines pour que Meta apporte une réponse (également négative) à des signalements effectués durant le printemps 2025. Addictions France estime cette inertie préjudiciable, raison pour laquelle une action en responsabilité a été initiée à l’encontre de la plateforme.
Un cadre de régulation inadapté aux réseaux sociaux
La loi Evin est une loi préventive, c’est-à-dire qu’elle a pour principal objectif de prévenir l’apparition de contenus présentant l’alcool, 2ème cause de mortalité évitable, sous un jour favorable. Comme le révélait Addictions France dans son rapport « Promotion de l’alcool : les réseaux sociaux, un nouveau Far West », saisir la justice implique des longs délais de traitement. Les contenus sont ainsi jugés plusieurs mois après leur publication alors qu’ils ont déjà eu le temps de toucher des millions de jeunes. De plus, la saisine du juge ne fonctionne que pour les contenus susceptibles d’être retirés et donc pas pour les stories qui, par nature, sont éphémères.
Il est donc urgent de faire évoluer la loi Evin pour que les marques d’alcool n’aient plus la possibilité de recourir aux influenceurs. Cela donnerait un signal clair aux plateformes en vue de mieux prévenir l’apparition de ces contenus.
À propos d’Association Addictions France : Fondée en 1872 par Louis Pasteur et Claude Bernard, Association Addictions France est reconnue d’utilité publique et agréée d’éducation populaire. L’association intervient au plus près des populations sur toutes les addictions. Elle est également force de proposition pour faire évoluer les opinions et la législation.