Un regain d’intérêt pour les substances psychédéliques

Le mot psychédélique vient du grec ancien : « psyché » voulant dire âme ou esprit et « delos », révéler ou manifester. Il a été inventé par un psychiatre, le Dr Osmond, dans le cadre d’une correspondance avec l’écrivain Aldous Huxley.

Ce sont des substances psychoactives, qu’elles soient naturelles ou de synthèse, qui activent principalement le récepteur 5HT2A de la sérotonine, neurotransmetteur impliqués dans diverses fonctions cérébrales.

Les psychédéliques dits classiques sont regroupés en trois familles :

  • Les tryptamines comprenant par exemple la psilocybine retrouvée dans de nombreuses espèces de champignons « magiques », et la DMT (di méthyl tryptamine) entrant dans la composition du breuvage Ayahusca
  • Les Lysergamides avec le LSD
  • Les Phénétylamines avec la mescaline ou le 2-CB par exemple

Dans le contexte actuel de regain d’intérêt pour ces substances, notamment dans le domaine de la santé mentale avec une couverture médiatique grandissante (on parle de renaissance psychédélique), cette nouvelle consultation s’inscrit dans une démarche de réduction des risques et des dommages. Certaines personnes peuvent ressentir le besoin d’être accompagnées pour obtenir des informations, des conseils, ou disposer d’un espace de discussion autour d’une expérience intense ou difficile.

Des professionnels formés à ces questions, deux médecins et un psychologue (prochainement rejoints par une psychiatre), proposent dans un délai court un échange en présentiel à Bordeaux, mais aussi à distance, en visio ou par téléphone. 

 

Entretien avec le Dr Sami Scerra, médecin coordinateur au CSAPA de Bordeaux

Quels sont les effets des substances psychédéliques ?

Ces substances souvent injustement appelées hallucinogènes peuvent entraîner des effets sensoriels (amplifications, distorsions sensorielles), émotionnels et cognitifs (dont une suggestibilité accrue) et spirituels (sentiment d’unité, expérience mystique). Il semblerait que sous l’effet des psychédéliques, des connexions différentes entre des zones du cerveau habituellement non connectée entre elles se créent, permettant des associations d’idées, des points de vue nouveaux. On parle d’augmentation de flexibilité mentale. Dans le cadre de processus mentaux ancrés, quais automatisés comme dans l’addiction, la dépression ou les troubles anxieux, cette flexibilité peut permettre de sortir de l « ornière » et d’envisager un autre point de vue.

La MDMA et la kétamine, en raison d’effets cliniques similaires, sont souvent considérées comme des psychédéliques atypiques. Ils ne se lient pas, comme les psychédéliques classiques, au récepteur 5HT2A.

Les effets ressentis des substances psychédéliques et leur potentiel thérapeutique en santé mentale (dépression, trouble de stress post traumatique, addictions) en font une classe de substances psychoactives à part.

 

Quelle est la place des psychédéliques aujourd’hui dans le paysage des substances psychoactives ?

Leur fréquence d’utilisation est mal connue car les psychédéliques classiques n’entraînent pas d’addictions. Les personnes ne consultent habituellement pas pour cela en addictologie. Plutôt populaires dans les années 1950-60 aussi bien en usage « festif » qu’en santé mentale, ces substances ont été interdites à partir des années 1970, rendant leur usage plus confidentiel.

Depuis le début des années 2000, nous assistons à un regain d’intérêt pour ces substances dans le champ de la santé mentale. Les études scientifiques se multiplient et le sujet bénéficie d’une visibilité médiatique croissante.

Chez les soignants travaillant en santé mentale, le sujet est aussi très en vogue. De nombreuses études vont dans le sens d’un effet thérapeutique important dans le champ de la psychiatrie mais aussi de l’addictologie. Les premiers essais cliniques français sont en cours. Dans plusieurs pays (notamment en Suisse), les thérapies psychédéliques sont autorisées depuis plusieurs années et montrent des résultats très encourageants. Il n’y a plus un congrès dans le champ de la santé mentale dans lequel ces thérapies ne sont pas évoquées.

 

Pourquoi avoir mis en place une consultation dédiée à la réduction des risques liés aux psychédéliques ?

En dehors de la kétamine, les autres substances psychédéliques ne provoquent pas d’addictions et ne sont donc pas des motifs de consultation dans nos centres. Néanmoins, leur utilisation croissante, à fortiori chez des personnes novices cherchant à résoudre des problématiques de santé mentale, peut entrainer des conséquences graves. D’autre part, les usagers de psychédéliques n’ont actuellement pas d’espace d’échange avec des professionnels de santé.

La consommation de substances psychédéliques est illégale, et nous n’incitons pas à en consommer. La réduction des risques et des dommages étant une mission des centres d’addictologie (CSAPA), nous avons décidé d’ouvrir en avril 2024 à Bordeaux une consultation spécifiquement dédiée aux substances psychédéliques offrant un espace d’échange en amont de la prise de psychédéliques mais aussi au décours.

 

Quel est le profil des personnes que vous recevez en consultation ?

Depuis l’ouverture, nous avons reçu une vingtaine de personnes. Les profils sont très variés. Femmes et hommes de 25 à 75 ans, de tous horizons. La majorité sont peu voire pas du tout expérimentés.

 

Comment s’organise cette consultation ?

Grâce à 3 professionnels formés aux thérapies psychédéliques (2 médecins, 1 psychologue) joignables via une adresse mail unique : rdrpsychedeliques33@addictions-france.org. Les personnes intéressées partagent leurs questionnements et nous leur proposons un rendez-vous en présentiel, en visio ou par téléphone en moyenne sous 7 jours.

 

Quels sont les demandes ou problématiques les plus fréquentes ?

Globalement nous avons deux types de demandes :

  • des personnes n’ayant jamais pris de psychédéliques souhaitant avoir des informations car elles s’apprêtent à en faire usage dans un cadre plus ou moins sécurisé pour des problématiques de santé mentale,
  • des personnes ayant vécu des expériences particulièrement intenses souhaitant en « faire quelque chose » et être accompagnées pour l’intégration de cette expérience de manière significative dans leur vie. L’intégration peut-être définie comme le fait de donner du sens et d’intégrer les nouveaux éléments perçus et vécus pendant l’expérience (en lien avec l’augmentation de la flexibilité mentale) à sa vie quotidienne.

 

Comment informez vous les usagers sur les pratiques de consommation à moindre risque ?

Lors de l’entretien, nous revenons sur les risques en amont des prises de psychédéliques (contexte, interactions avec des traitements, contre-indications somatiques, psychiques) ou bien identifions et organisons la prise en charge d’évènements indésirables, ou encore aidons à l’intégration d’une expérience difficile et/ou intense.

Dans le cadre d’une convention de partenariat avec la Société Psychédélique Française (SPF, une association loi 1901 de médiation scientifique et culturelle sur le thème des substances psychédélique dont nous faisons partie), nous délivrons à l’occasion de ces consultations un manuel de réduction des risques liés à l’usage de psychédéliques publié par la SPF et pouvons orienter les personnes vers des cercles d’intégration qui sont des groupes d’autosupport permettant aux personnes d’évoquer entre pairs des expériences intenses ou difficiles. Nous mettons d’ailleurs à disposition des locaux pour l’organisation régulière de ces cercles en présentiel à Bordeaux.

Quels sont les conseils les plus fréquemment donnés aux usagers de psychédéliques ?

Ces conseils peuvent être en lien avec l’usage (petites doses, mode de prise préférentiel, interactions médicamenteuses, contre-indications médicales, psychiques), le contexte (set and setting, risques d’emprise et d’abus), l’intégration de l’expérience voire avec l’orientation vers une prise en charge médico psychologique.

 

Y a-t-il des risques spécifiques associés aux différents types de psychédéliques (LSD, psilocybine, DMT, etc.) que vous abordez ?

Les principaux risques liés aux psychédéliques sont plus liés au contexte de prise (set and setting) qu’à la substance. Néanmoins nous sommes particulièrement vigilants aux risques d’interactions médicamenteuses, aux comorbidités qui peuvent entrainer des effets indésirables spécifiques à certains psychédéliques.

 

Quelles sont les bénéfices de cette consultation, pour les personnes accompagnées et pour les professionnels ?

Les usagers nous ont tous fait part de l’intérêt pour eux d’avoir un espace dédié où ils peuvent évoquer des expériences, où ils peuvent avoir des informations scientifiques fiables. Cet espace leur offre aussi la possibilité, via le suivi psychologique, d’intégrer des expériences difficiles.

Pour les professionnels, cette consultation est très intéressante car nous ne sommes pas confrontés aux problématiques classiques d’addiction mais à la sécurisation d’un usage qui se veut thérapeutique.

Contact 

📧 rdrpsychedeliques33@addictions-france.org

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