Infirmière spécialisée en addictologie chez Addictions France en région Pays de la Loire, Laurence Lambert accompagne les personnes dans leur démarche de sevrage avec une approche globale, individualisée et bienveillante. Avant de rejoindre Addictions France, Laurence Lambert a construit une solide expertise en santé publique et en prévention des risques, notamment au sein de la Mairie de Paris, puis dans une Équipe de Liaison et de Soins en Addictologie (ELSA) en Seine-Saint-Denis, où elle a participé à un projet pilote « Hôpital Sans Tabac ». 

Quel est le rôle d’une infirmière spécialisée en addictologie dans l’accompagnement de l’arrêt ou de la diminution de la consommation de tabac ? 


Le tabac est un des principaux motifs de consultation au sein des structures d’addictologie, avec plus d’un patient sur deux qui fume. Souvent, les personnes consultent pour d’autres addictions (alcool, cannabis, etc.) sans percevoir la cigarette comme un problème majeur. Mais la dépendance au tabac est abordée systématiquement dès l’entretien d’accueil. 

L’infirmière spécialisée en addictologie interroge les personnes accueillies sur leur consommation de tabac et leur motivation à arrêter. Elle assure une sensibilisation régulière, quel que soit le produit consommé. Même si le sevrage s’effectue généralement produit par produit, en ciblant chaque produit séparément, chaque fumeur est informé des outils disponibles, notamment les traitements nicotiniques de substitution (TNS) tels que les pastilles ou autres formes orales. 

Par ailleurs, l’infirmière fait un bilan des éventuelles complications liées au tabagisme, en évaluant l’état de santé général, la qualité du sommeil, et d’autres facteurs pouvant être impactés par la consommation de tabac. 

 

Certaines situations favorisent elles davantage la démarche de sevrage ? 


Les demandes de sevrage tabagique surviennent souvent dans des contextes particuliers : maladies chroniques (comme les cancers), les maladies respiratoires, mais aussi lors d’une grossesse, ou encore avant une opération,  car le tabagisme ralentit le processus de cicatrisation. 

 

Quel soutien pouvez-vous apporter dans le cadre d’un sevrage ? 


L’entretien motivationnel est central dans notre approche. Il s’agit d’un accompagnement collaboratif où la personne est au cœur de ses décisions. Ce processus aide à identifier ses objectifs, ses motivations, ainsi que les facteurs facilitant le changement.  Les motivations sont très variées d’une personne à l’autre. Par exemple, un jour, un jeune est venu en consultation pour arrêter de fumer à cause de son acné. Chez certaines femmes, ce sont des considérations qui peuvent être esthétiques comme l’odeur, le grain de peau, l’image de soi ou la santé dentaire. Cela illustre bien que chacun a ses motivations et des préoccupations personnelles. Le rôle de l’accompagnant est alors de les prendre en compte sans jugement. 

 
Lors des entretiens, nous proposons aussi des exercices pratiques . Par exemple, planifier les moments où l’on fume permet de s’interroger sur ses habitudes et de les questionner : « chaque cigarette est-elle vraiment indispensable ? ». L’objectif est de redonner aux personnes le pouvoir de choisir, de les aider à prendre des décisions quand elles ont le sentiment d’avoir perdu le contrôle. Nous utilisons également des outils pédagogiques comme le « co-testeur », qui permet de visualiser la quantité de fumée inhalée et de faciliter la prise de conscience. Enfin, notre approche s’appuie sur le triangle multifactoriel d’Olievenstein (personne-produit-contexte), qui insiste sur la prise en charge globale, pluridisciplinaire, et la nécessité de déculpabiliser les patients. 

Des espaces d’expression et de détente, notamment à travers la sophrologie, peuvent aussi être proposés au sein des CSAPA 

 

Quelles autres approches non médicamenteuses proposez-vous ? 

 
Concernant d’autres méthodes non-médicamenteuses, nous sommes particulièrement vigilants quant à certaines pratiques telles que l’hypnose ou l’acupuncture, qui ne conviennent pas à toutes les personnes, notamment celles présentant des troubles psychiatriques. Notre rôle est aussi de prévenir les dérives et d’ouvrir le dialogue sur ces approches alternatives, tout en gardant une posture de prudence. 

Nous luttons aussi les idées reçues : « la nicotine donne le cancer », « on ne peut pas fumer avec un patch », ou encore « le tabac à rouler est moins nocif » qui sont nombreuses concernant le tabac et qui, sur de fausses informations, peuvent freiner la démarche d’arrêt. 
 

Sont-elles combinées à d’autres traitements ? 

 
Le plus souvent, elles sont associées à des traitements médicamenteux. Les substituts nicotiniques (patchs, gommes, pastilles…) sont essentiels, car ils agissent sur la dépendance physique, gestuelle et psychologique. Depuis 2016, les infirmières peuvent prescrire toutes les formes de traitements de substitution nicotinique sans limitation de durée, comme d’autres professionnels (dentistes, kinés…), ce qui facilite la prise en charge.  

Il est important d’assurer un suivi pour ajuster la dose et éviter surdosage ou sous-dosage en nicotine, mais également de suivre l’évolution émotionnelle du patient.   

En cas de surdosage, les signes peuvent être : bouche pâteuse, nausées, maux de tête, voire tachycardie. En cas de doute, on ajuste le traitement, par exemple en retirant temporairement le patch. Le sous-dosage, lui, peut engendrer une forte envie de fumer, de l’irritabilité ou de l’anxiété. Il faut donc bien évaluer la consommation pour adapter le dosage. 

 

Quels bénéfices observe-t-on chez les personnes accompagnées dans leur arrêt du tabac ? 

Les personnes qui arrêtent de fumer ressentent rapidement une amélioration de leur respiration, de leur goût et de leur odorat, un gain d’énergie, une meilleure estime de soi, des économies d’argent et une réduction des risques de maladies graves. 
Les retours qui concernent l’accompagnement sont souvent positifs. Les personnes accompagnées se sentent écoutées, comprises, non jugées. Beaucoup ont pu exprimé leur mal-être, et ce premier pas est déjà important.  Chaque personne a une histoire différente avec le tabac. Certains arrêtent du jour au lendemain, d’autres ont besoin d’un an ou plus. Il n’y a pas de règle. 

 

Que recommandez-vous en cas de rechute ou de forte envie de fumer ? 

 
Rester confiant. La rechute fait partie du processus. On analyse ce qui a déclenché la reprise : un événement, une émotion, un contexte… L’idée est de tirer des leçons de l’expérience. 
Rechuter ne signifie pas recommencer à zéro : on redescend d’une marche, pas de tout l’escalier ! 😊  

Dans le cadre du Mois sans Tabac, de nombreux outils adaptés et des conseils personnalisés sont à votre disposition pour vous soutenir dans ce défi.  

  • Un site dédié (mois-sans-tabac.tabac-info-service.fr) avec des conseils personnalisés et un suivi quotidien.
  • L’application Tabac info service, pour un accompagnement 24/7.
  • Le 39 89, un numéro pour un soutien gratuit et personnalisé par des tabacologues.
  • Des kits d’aide à l’arrêt, disponibles gratuitement en pharmacie et à la commande sur le site de l’opération.
  • Des actions de terrain, sous l’égide des Agences régionales de santé : stands d’information, ateliers et événements dans toute la France, en collaboration avec les professionnels de santé, les employeurs et les commerces de proximité.

 Des groupes d’entraide sur Facebook et Instagram vous donnent également la possibilité d’échanger et de partager votre expériences avec d’autres participants.