Addictions et accès aux soins : n'abandonnons pas les publics vulnérables !
La crise sanitaire a renforcé les difficultés des personnes suivies pour des problèmes d’addictions : 70% d’entre elles ont eu du mal à maitriser leurs consommations pendant les périodes de confinement.
Quel que soit le produit consommé, la crise sanitaire a eu des répercussions dramatiques sur le quotidien des personnes ayant des addictions. Plus de la moitié des personnes suivies pour des problèmes d’alcool, de cannabis ou de médicaments ont augmenté leur consommation du produit pour lequel elles étaient suivies. Pour le tabac, le chiffre monte même à 61%.
C’est ce que révèle une enquête menée par BVA Santé pour Addictions France auprès de 1224 personnes qu’elle accompagne [1]. Cette enquête fait suite à un premier sondage conduit auprès du grand public publié le 8 avril dernier.
Des personnes vulnérables davantage exposées aux effets négatifs de la crise
La crise a eu un impact négatif sur le moral et la santé psychologique de 71% des personnes interrogées.
Cette souffrance psychologique résonne avec d’autres facteurs de vulnérabilité : difficultés financières, perte d’emploi, arrêt de l’activité professionnelle, isolement social. Dans cette période particulièrement troublée, les sources d’inquiétude ont été démultipliées. Elles ont provoqué une perte de contrôle chez une majorité de personnes suivies pour des conduites addictives.
60% des personnes suivies ont besoin d’être davantage accompagnées
Parmi les personnes interrogées, 60% déclarent avoir besoin d’un accompagnement renforcé pour leur problème d’addiction depuis le début de la pandémie.
Pour y répondre, l’association a adapté ses pratiques en proposant notamment des consultations à distance, en dématérialisant les activités de groupe et en mettant en place des systèmes de « drive » pour délivrer du matériel de réduction des risques et des kits d’hygiène.
Addictions et perte de chance : des conséquences potentiellement délétères pour les personnes non suivies
La nécessité d’accompagner encore plus les personnes s’est vérifiée dans les 90 centres gérés par l’association. On a ainsi observé une hausse du nombre de consultations par personne par rapport aux années précédentes. Ce phénomène a eu une incidence sur la capacité d’accueil de certains centres où la prise en charge de nouvelles personnes n’a pas été possible.
Pour rappel, 39% des Français suivis pour une addiction ont dû renoncer à se faire accompagner, soit parce qu’ils ont eu des difficultés à obtenir un rendez-vous, soit parce qu’ils ne savaient pas vers quelles structures se tourner.
Comme l’indique Dr. Bernard Basset, président d’Addictions France :
« C’est une perte de chance pour un grand nombre de personnes qui ont pris conscience de leurs problématiques addictives, mais qui n’ont pu se faire accompagner, ou alors avec des délais d’attente très longs. C’est toujours un crève-cœur pour nos équipes de ne pouvoir répondre aux personnes en grande difficulté. »
Alors que la crise n’est pas encore derrière nous et que de nouvelles difficultés risquent encore d’émerger du fait de la crise sociale, il est plus que jamais nécessaire d’améliorer la prise en charge.
Pour Addictions France, plusieurs actions doivent être engagées, notamment en lien avec le Ségur de la Santé et sa mesure 27 portant sur la lutte contre les inégalités de santé :
- Accroître les financements dédiés à la prévention et à la réduction des risques, et favoriser ainsi le repérage et l’orientation des personnes en difficulté avec des conduites addictives ;
- Faire connaître les centres d’addictologie (CSAPA, CAARUD, soins résidentiels…) afin que les personnes en difficulté sachent vers qui se tourner ;
- Lutter contre la désertification médicale et la difficulté à recruter des médecins addictologues en favorisant l’émergence de nouveaux métiers : infirmiers en pratiques avancées (IPA), métiers de la prévention, etc. ;
- Généraliser les dispositifs d’aller-vers pour lutter contre les inégalités d’accès aux soins, en particulier en milieu rural ;
- Développer les coopérations avec le secteur de la psychiatrie pour améliorer la prise en charge des patients présentant un double diagnostic (usages de substances et comorbidités psychiatriques)
[1] Enquête menée du 15 février au 31 mars 2021 dans 14 régions françaises.
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