Le rapport 2023 de l’Observatoire Français des Drogues et des Tendances Addictives (OFDT) dresse un bilan contrasté des habitudes de consommation d’alcool en France. Si la consommation globale continue de diminuer, les hospitalisations liées à l’alcool progressent, soulignant des défis majeurs liés aux inégalités sociales et aux comportements à risque.

Basculement des habitudes de consommation : l’augmentation du “binge drinking” chez les jeunes 

En 2022, 19,4 % des adolescents de 17 ans n’avaient jamais consommé d’alcool, un chiffre qui a triplé en 20 ans. La consommation annuelle diminue également, passant de 77,7 % en 2017 à 73,3 %, tout comme les alcoolisations ponctuelles importantes, qui concernent 33,8 % des jeunes. 

Cette tendance positive chez les adolescents contraste toutefois avec la vulnérabilité persistante des jeunes adultes de 18 à 24 ans, parmi lesquels 24 % déclarent des consommations excessives ponctuelles. Ces évolutions traduisent un basculement d’un modèle méditerranéen de consommation régulière vers une tendance plus ponctuelle et intense, avec une préférence accrue pour les bières, au détriment du vin. 

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L’alcool, un poids croissant pour la santé publique et les inégalités sociales 

Bien que les volumes consommés diminuent, les hospitalisations liées à l’alcool augmentent de 4,1 % en 2023, atteignant 595 326 séjours, dont 41 % pour alcoolodépendance. Les hommes, représentant 73 % des patients, et les personnes âgées en moyenne de 56 ans sont les plus touchés. Les consultations en addictologie ont également augmenté, tandis que le nombre de traitements contre l’alcoolodépendance reste stable. 

Par ailleurs, l’alcool exacerbe les fractures sociales : il est le facteur principal d’accident mortel chez 50 % des personnes en situation de chômage, 43 % des personnes sans activité, contre 14 % des cadres. Les classes populaires et les zones rurales sont particulièrement touchées, avec une surmortalité routière élevée qui frappe principalement les hommes.  

 

Refonder la taxation de l’alcool pour l’adapter aux enjeux de santé publique  

Malgré ces constats, la fiscalité sur l’alcool en France demeure mal adaptée aux réalités actuelles de la consommation. Le vin, qui l’alcool le plus consommé, bénéficie d’une taxation disproportionnée par rapport à celle des bières et des spiritueux. Ce déséquilibre est contraire à une logique de santé publique, car ce n’est pas le type d’alcool qui détermine les risques pour la santé, mais bien le volume d’éthanol ingéré et la fréquence de consommation.  

En ce sens, la fiscalité devrait être repensée pour être proportionnelle à la quantité d’éthanol contenue dans les boissons, et non à leur catégorie. Cela est d’autant plus pertinent face aux nouvelles tendances de consommation, marquées par des comportements d’alcoolisation ponctuelle excessive, où de grandes quantités d’éthanol sont ingérées en une seule prise.  

Le saviez-vous ?  

La France reste le 10e pays le plus consommateur d’alcool parmi les 38 membres de l’OCDE, malgré une tendance générale à la baisse. Cette réduction a été possible grâce à des efforts considérables en matière de prévention, ainsi qu’à des politiques comme la loi Evin. Toutefois, 22 % des Français continuent de dépasser les repères de consommation à moindre risque préconisés par Santé Publique France, ce qui représente environ un Français sur quatre. Bien que des progrès aient été réalisés, la consommation d’alcool reste un risque majeur pour la santé, et les baisses observées ne suffisent pas à réduire les hospitalisations liées à l’alcool. Dans un contexte marqué par les difficultés des services hospitaliers et face aux constats dressés par l’OFDT, il est essentiel de renforcer et de pérenniser les politiques de prévention et de santé publique. 

Le rapport 2023 met en lumière une évolution complexe des comportements liés à l’alcool en France. Bien que les jeunes adoptent des habitudes de consommation plus modérées, la consommation excessive ponctuelle demeure préoccupante chez les jeunes adultes, avec des répercussions notables sur la santé publique. L’augmentation des hospitalisations liées à l’alcool et l’aggravation des fractures sociales soulignent l’urgence de réformer les politiques publiques pour les rendre plus cohérentes et adaptées aux réalités actuelles.