Paroles de pro
Bruno Mezaguer - Médiateur de santé-pair
Plongée au cœur de l’engagement et des défis dans la lutte contre les addictions.
Addictions France donne la parole aux professionnels qui œuvrent au quotidien pour améliorer la santé des personnes confrontées à l’addiction.
Depuis octobre 2023, dans le cadre d’une licence professionnelle à l’Université de Bordeaux, Bruno MEZAGUER a intégré l’équipe du centre d’addictologie de Bordeaux comme médiateur de santé–pair. Son vécu personnel et son savoir expérientiel enrichissent l’accompagnement des usagers. Bruno revient sur son parcours singulier, empreint de résilience et de volonté.

Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Bruno MEZAGUER, médiateur de santé-pair au CSAPA Addictions France de Bordeaux. Ayant moi-même été confronté à des problématiques d’addictions par le passé – j’ai bénéficié d’un accompagnement en 2011 – et après plusieurs expériences professionnelles peu épanouissantes, j’ai décidé de suivre une formation qui fait sens pour moi. Pour l’anecdote : petit, je voulais être docteur, c’est dire combien la relation à l’autre, au soin, la relation d’aide, sont importantes depuis toujours. Aujourd’hui, mon métier me permet d’apporter un soutien adapté aux personnes en difficultés, tout en valorisant mon expérience personnelle.
Quel a été votre parcours avant de rejoindre l’association ?
J’ai découvert le monde de l’addictologie au contact de professionnels de santé et de travailleurs sociaux (moniteurs, éducateurs, assistants sociaux). Leur rôle a été essentiel dans mon parcours de rétablissement. Après plusieurs années de prise en charge, puis d’abstinence, j’ai souhaité faire de mon « bagage » personnel - mes connaissances d’usager, et mon expérience du système de santé – des ressources utiles pour les autres. J’ai d’abord commencé une formation d’infirmier, avant de m’orienter vers la pair-aidance. J’ai obtenu une licence professionnelle « Intervention sociale : accompagnement de publics spécifiques – Médiateur de santé-pair », à Bordeaux, et j’ai réalisé un stage dans le cadre du dispositif « Un chez soi d’abord » qui permet aux personnes en grande précarité d’accéder à un logement en vue d’une réinsertion. Par la suite, j’ai rejoint Addictions France.
En quoi consiste votre rôle de médiateur de santé pair ?
Mon rôle est d’être un intermédiaire entre les usagers et les professionnels du centre d’addictologie. Je leur apporte un soutien, des conseils pratiques et émotionnels basés sur mon propre vécu. Je facilite les échanges, informels et spontanés, avec les personnes accueillies sans rendez-vous. Elles viennent souvent chercher des premières ressources immédiates. J’assiste également aux réunions pluriprofessionnelles et j’anime des groupes de paroles.
Est-ce que travailler dans le médico-social a du sens pour vous ?
Mon parcours professionnel fait partie de mon rétablissement. Je me sens utile et je m’épanouis dans ce rôle. Par le passé, j’ai parfois eu l’impression de ne pas avoir pu aider certaines personnes. Aujourd’hui, j’ai la légitimité pour accompagner les usagers en leur donnant des conseils rassurants dans des moments difficiles, avant un sevrage ou avant une hospitalisation par exemple. J’y vois là une occasion de témoigner pour transmettre un message positif.
Selon vous, qu’est-ce qui rend votre métier unique ?
C’est un « nouveau » métier puisque le premier programme expérimental date de 2011. Il existe encore peu de formations certifiantes même si les établissements de santé et les ARS soutiennent de plus en plus son développement. La motivation pour intégrer le cursus de formation des médiateurs santé-pair repose sur une volonté personnelle de mettre à profit son propre parcours pour améliorer la prise en charge des autres.
Comment l’équipe a-t-elle perçu votre mission ?
Mes collègues ont été formés avant mon intégration afin de bien délimiter mon périmètre d’action. Je suis devenu progressivement un maillon de la prise en charge des usagers. J’ai aussi la chance d’avoir une direction convaincue de l’utilité de mes missions et qui soutient leur mise en œuvre. Nous travaillons tous ensemble, en pluridisciplinarité, pour le bien-être des personnes accompagnées.
En quoi votre approche peut-elle être différente ?
Ayant été moi-même « de l’autre côté de la barrière », je perçois avec lucidité les habitudes de consommation et les mécanismes qui peuvent tirer vers le bas. Je sais ce que chaque personne vient chercher à Addictions France : de l’aide et de l’espoir. Partager mon vécu avec ces personnes et leur dire : « si je l’ai fait, alors toi aussi tu peux » est un levier de motivation supplémentaire.
J’ai aussi une attention particulière envers les proches et les accompagnants. Récemment, lors d’un groupe de parole dédié à l’entourage, j’ai rencontré un couple de parents dont le fils avait à peu près mon âge. Ils ont été rassurés d’avoir en face d’eux un exemple de rétablissement.
Ces situations d’identification ne vous mettent elles pas en difficulté ?
Bien sûr, certaines situations font écho à mon propre vécu, mais j’ai du recul, et surtout je suis formé à ce métier. Les supervisions, l’analyse des pratiques et des ressources font partie de mon activité. C’est un domaine qui me passionne et je souhaiterais poursuivre mon apprentissage avec une formation aux approches systémiques.
Trois mots pour décrire ce métier ?
Espoir – Empathie – Partenariat