Paroles de pro
Guillaume Moreau - Psychologue clinicien
Plongée au cœur de l’engagement et des défis dans la lutte contre les addictions.
À l’occasion de la Semaine mondiale de la santé mentale, Guillaume Moreau, psychologue clinicien chez Addictions France à Sens, partage son expérience auprès des adolescents et jeunes adultes confrontés aux addictions. Dans cet entretien, il revient sur son parcours, ses choix d’orientation, et les spécificités de l’accompagnement psychologique en addictologie. Il nous livre un témoignage engagé et lucide sur les enjeux du soin psychique, la richesse du travail pluridisciplinaire, mais aussi les défis quotidiens de l’alliance thérapeutique.
Alors que la santé mentale a été déclarée Grande Cause nationale en 2025, son regard éclaire les besoins du terrain, la nécessité d’une approche globale et la place essentielle des psychologues dans la lutte contre les addictions.

Comment avez-vous découvert l’association ?
J’ai connu l’association lorsque j’étais étudiant en psychologie, grâce à un médecin addictologue d’Addictions France (alors ANPAA) avec qui j’avais échangé sur l’activité, le public accueilli et l’accompagnement proposé. Il m’a alors suggéré de réaliser mon stage de Master 1 dans ce cadre. J’ai ainsi effectué un stage de 8 mois en 2005, puis j’ai intégré l’association en septembre 2011.
Qu’est-ce qui vous a motivé à vous orienter vers la psychologie, puis plus spécifiquement vers le champ de l’addictologie ?
J ’ai choisi la psychologie parce que je voulais exercer un métier qui ait du sens, au service des personnes, et qui laisse une liberté d’orientation. Le psychologue occupe
une place particulière : il n’appartient ni au domaine médical, ni au social, mais s’inscrit dans une démarche propre à sa discipline. L’addictologie s’est imposée à moi progressivement, à travers mes cours, mon stage et mes échanges avec ce médecin addictologue. C’est une spécialité très riche : elle mobilise une pluralité d’interventions et confronte à des situations différentes chaque jour. Elle se situe à la croisée de problématiques sociales, psychiatriques, financières, physiques et psychiques. En constante évolution, elle nous pousse à interroger sans cesse nos pratiques.
Avez-vous suivi des formations particulières pour travailler en addictologie ?
Entre mon Master 1 et mon Master 2 de psychologie, j’ai intégré un DESS en sciences humaines et conduites addictives à l’université de Lille. Je voulais avant même d’obtenir mon diplôme de psychologue acquérir une spécialisation en addictologie, et j’ai saisi cette opportunité.
Quelles sont, selon vous, les spécificités du métier de psychologue au sein d’Addictions France par rapport à d’autres cadres de travail (hospitalier, libéral) ?
Travailler à Addictions France, c’est aussi s’inscrire dans un engagement associatif et porter les valeurs de l’institution auprès des patients. L’accompagnement repose sur la pluridisciplinarité, pour apporter les réponses les plus adaptées, et accorde une place essentielle à l’entourage, ce qui me semble déterminant pour l’équilibre du patient.
Cette sensibilité m’a conduit à orienter ma pratique vers les adolescents. Depuis près de dix ans, je participe aux Consultations Jeunes Consommateurs. D’abord intervenant, j’ai progressivement développé l’accompagnement des jeunes dans l’Yonne. Depuis 2020, je coordonne le déploiement des Consultations Jeunes Consommateurs avancées (CJCA) : nous couvrons une grande partie des établissements scolaires du territoire et intervenons aussi en MDA et en MFR.
Une autre spécificité d’Addictions France réside dans l’inconditionnalité et la gratuité de toutes les consultations, un principe rare dans le champ de la psychothérapie.
Quel est le rôle de la psychothérapie dans l’accompagnement des personnes souffrant d’addictions ?
La psychothérapie accompagne les patients dans l’amélioration de leur état psychique, la prévention des rechutes et le travail sur la fonction de l’addiction dans leur problématique personnelle et familiale.
Elle s’inscrit dans une démarche pluridisciplinaire : le psychologue n’est qu’un maillon parmi d’autres – travailleurs sociaux, médecins, infirmiers – dans le suivi. La prise en charge psychologique n’est pas systématique : elle dépend de la demande du patient et s’adapte à ses besoins. Beaucoup de parcours en addictologie sont marqués par des psychotraumas ou des troubles psychiques, ce qui justifie pleinement la place du psychologue.
Quels types d’approches psychothérapeutiques utilisez-vous dans votre pratique ?
Ma formation initiale était d’orientation psychanalytique (université de Dijon). Grâce au plan de formation, j’ai également suivi une spécialisation en intervention systémique et thérapie familiale. Ces deux approches structurent encore aujourd’hui ma pratique.
Plus récemment, j’ai complété ma formation en hypnothérapie, un outil que je souhaite développer à l’avenir. J’aime aussi m’autoriser à intégrer des techniques issues d’autres courants, dès lors qu’elles servent l’intérêt du patient.
Quels types d’approches psychothérapeutiques utilisez-vous dans votre pratique ?
Ma formation initiale était d’orientation psychanalytique (université de Dijon). Grâce au plan de formation, j’ai également suivi une spécialisation en intervention systémique et thérapie familiale. Ces deux approches structurent encore aujourd’hui ma pratique. Plus récemment, j’ai complété ma formation en hypnothérapie, un outil que je souhaite développer à l’avenir. J’aime aussi m’autoriser à intégrer des techniques issues d’autres courants, dès lors qu’elles servent l’intérêt du patient.
En quoi la psychothérapie contribue-t-elle à une prise en charge globale et durable, au-delà du sevrage ou de la réduction de consommation ?
La psychothérapie joue un rôle central dans la prévention des rechutes, l’accompagnement de la souffrance morale et le traitement des psychotraumas. Quand j’ai commencé, le modèle dominant reposait sur l’abstinence. Aujourd’hui, nous partons de la demande du patient : la psychothérapie s’inscrit pleinement dans une démarche de réduction des risques et des dommages.
Quelles sont les principales difficultés rencontrées dans l’accompagnement des personnes ?
L’alliance thérapeutique est un défi permanent : il s’agit de permettre au patient de se sentir en confiance et en sécurité. L’absentéisme est également fréquent. Il reflète la souffrance des patients, leurs parcours chaotiques ou les événements de vie auxquels ils doivent faire face. Ces absences peuvent être décourageantes pour les intervenants, mais elles doivent être interrogées et comprises. Enfin, certains patients ne consultent pas de leur plein gré, mais sous la pression de leur famille ou de la justice. Le travail consiste alors à faire émerger une demande personnelle et à donner du sens à l’accompagnement.
La Santé Mentale a été déclarée Grande Cause nationale en 2025, qu’en pensez-vous ?
La santé mentale a longtemps été négligée. En tant que professionnel du secteur, je salue la reconnaissance des pouvoirs publics. La souffrance psychique est le quotidien de nos usagers, qu’elle soit liée à leur parcours de vie ou associée à des troubles psychiatriques. Les pathologies duelles, qui combinent addiction et troubles mentaux,
sont au cœur de notre pratique. Cette déclaration de Grande Cause nationale est donc une opportunité pour sensibiliser le grand public, lutter contre les stigmatisations encore très présentes et renforcer les moyens humains et financiers dans nos structures. Nous espérons qu’elle permettra un meilleur accès aux soins psychiques pour tous, une reconnaissance de la place des proches dans l’accompagnement, ainsi qu’un développement des actions de prévention dès le plus jeune âge.
Enfin, il est essentiel que cet engagement ne reste pas symbolique mais se traduise par des politiques publiques durables, car la santé mentale concerne tout le monde, à tous les âges de la vie, et constitue un enjeu majeur de santé publique.