Addictions France donne la parole aux professionnels qui œuvrent au quotidien pour améliorer la santé des personnes confrontées à l’addiction.
Youssef Abdaoui est directeur du Centre de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) d’Addictions France dans le Val d’Oise. Il nous dévoile son parcours, les raisons qui l’ont poussé à s’engager dans cette voie, ainsi que ses motivations à accompagner chaque jour des personnes confrontées aux addictions. Un témoignage riche de sens, qui met en lumière le quotidien d’un professionnel investi dans une mission essentielle pour la santé publique.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis directeur du CSAPA d’Addictions France dans le Val d’Oise. J’ai un parcours d’une vingtaine d’années dans le travail social. D’abord en tant qu’emploi-jeune dans une association avec pour objectif l’intégration sociale des étudiants handicapés, puis j’ai obtenu un diplôme d’éducateur spécialisé à l’IRTS de Nancy, grâce auquel j’ai pu exercer mon métier dans différents secteurs : la prévention spécialisée, la protection de l’enfance, le handicap mental etc. J’ai poursuivi ma carrière en tant qu’éducateur spécialisé en CHRS pendant trois ans et demi. Finalement, je suis entré en formation CAFERUIS (certificat d’aptitude de fonction d’encadrement de responsabilité d’unité d’intervention sociale), cela m’a donné accès à mes premiers postes de cadre manager dans le milieu de l’hébergement et l’accès au logement auprès de tous les publics (personnes isolées, hommes, femmes, couples, enfants, famille) via plusieurs dispositifs d’hébergement et de logement adapté. J’ai aussi eu l’opportunité de compléter ma formation par un M2 MOSS. Un peu plus d’un an après la crise sanitaire, le 1er juin 2021, j’ai intégré Addictions France.

Comment avez-vous découvert l’association ?

On est venu me chercher. Même si l’addictologie n’était pas du tout un secteur auquel je pensais, un seul échange avec le directeur régional Ile de France en fonction à l’époque a suffi à me convaincre. À Addictions France, je m’inscris dans une démarche associative régionale en tant que Directeur d’établissement, il n’est pas impératif d’avoir une expertise en addictologie, l’important est de comprendre et d’appréhender les sujets et les enjeux.

En quoi consiste votre rôle de directeur d’établissement ?

Mon travail consiste à garantir que les missions que l’on doit mettre en œuvre soient bien réalisées pour accompagner le plus grand nombre de personnes au sein de la population. Un directeur transmet une vision, donne une direction. Mon rôle est de fédérer un collectif de travail pour aller dans cette direction et faire en sorte que chacun ait les moyens d’atteindre les objectifs qui sont définis dans le cadre de nos missions de soin, d’accompagnement et de prévention. Pour y parvenir, j’ai besoin d’animer des réunions, rencontrer des partenaires, chercher des opportunités de développement, des ressources financières. Finalement c’est un travail éminemment administratif et relationnel.

Est-ce que travailler dans le médico-social fait sens pour vous ?

Oui car on touche à une éthique, une philosophie de vie. J’ai envie de me dire que j’ai servi à quelque chose, que j’ai pu contribuer à ce qu’un maximum de personnes soient un peu plus épanouies dans leur vie.

Selon vous, qu’est-ce qui rend votre métier unique ?

Il y a peu de métier où l’on peut à ce point jouer un rôle dans le devenir des gens. Nous agissons sur le quotidien des personnes. C’est une grande responsabilité. Il est également très gratifiant de se dire que l’on donne une impulsion et d’être à l’origine d’un mouvement plus vaste. J’ai vu des personnes évoluer, progresser, accéder à des situations stables, sortir de la précarité. Ce travail n’est possible qu’avec des personnes qui sont à la fois engagées et compétentes. Mon rêve serait de voir évoluer la nature des relations que nous entretenons avec les personnes accompagnées, et que l’on parvienne à dépasser la simple relation d’aide au profit d’une relation “partenariale”. Cela permettrait de mobiliser davantage les capacités des personnes accompagnées.

Quelles difficultés rencontrez-vous ?

Les journées sont trop courtes. Il faut agir vite et notre temporalité est celle de la souffrance des personnes que l’on accompagne. Donc il faut être en mesure d’avoir le plus d’impact possible en mobilisant un minimum de moyens.

Quelles compétences sont nécessaires pour exercer ce métier ?

ll faut avoir des compétences de gestion des situations complexes. Être capable de faire face à toutes les situations nécessite un sens de l’organisation, une capacité à décoder son environnement et une intelligence relationnelle. Sur le plan des qualités personnelles, je place les valeurs au centre. Je considère qu’il faut être authentique et engagé, savoir s’écouter et mesurer sa capacité à être à la hauteur des engagements. Avoir une éthique du travail, tout comme le désir de fédérer les personnes que l’on supervise est indispensable. Bien sûr, cela peut fonctionner à condition d’avoir de l’empathie et de la bienveillance. Ecouter et comprendre sont un préambule à la résolution.

Y a t-il une journée type ?

La journée type n’existe pas. Il y bien sûr des taches récurrentes qui sont des repères mais il y a aussi beaucoup d’impondérables, de rendez-vous qui nécessitent d’être agile et réactif.

Si vous deviez donner un conseil à quelqu’un qui souhaite faire ce métier ?

Pour pouvoir être à l’aise dans ce métier, il me semble crucial d’avoir une première expérience et d’avoir déjà été confronté, que ce soit bénévolement ou intellectuellement, aux réalités inhérentes au secteur médico-social. Se présenter, diplôme en main, sans avoir eu une expérience préalable, signifie qu’on est dans la découverte. Au regard des enjeux et du pouvoir que l’on a entre les mains, cela constitue une prise de risques pour soi et pour autrui. Il faut savoir à minima de quoi on parle, et pour cela on ne peut pas faire l’impasse sur un minimum de savoir expérientiel.

3 mots pour décrire ce métier ?

Engagement – Compétences – Ethique