Le rôle clé des monopoles d'Etat : l'exemple des pays nordiques
L’Organisation mondiale de la Santé vient de publier un rapport mettant en avant le rôle clé des monopoles d’Etat de vente d’alcool dans la réduction des dommages liés à la consommation d’alcool. Ces modèles présents en Finlande, Islande, Norvège, Suède et aux Îles Féroé, sont des dispositifs publics strictement encadrés visant à limiter l’accès à l’alcool et à protéger la santé publique.
Un modèle efficace pour réduire les dommages liés à l’alcool
Contrairement aux distributeurs privés motivés par le profit, ces monopoles suivent les recommandations de l’OMS en appliquant des politiques strictes :
- Taxation élevée pour limiter l’attractivité de l’alcool.
- Restrictions sur la disponibilité, en limitant le nombre de points de vente et leurs horaires d’ouverture.
- Interdiction de la publicité et des promotions.
- Contrôle strict de l’âge et formation rigoureuse des vendeurs.
- Sensibilisation aux risques de l’alcool, notamment auprès des jeunes.
Des effets bénéfiques en matière de santé publique
L’OMS rappelle que l’alcool est un facteur majeur de maladies et de décès évitables, responsable de 2,6 millions de décès par an dans le monde et associé à plus de 200 pathologies. L’Europe détient le taux de consommation d’alcool par habitant le plus élevé au monde, nécessitant des politiques fortes pour limiter les risques.
Les pays nordiques dotés de monopoles enregistrent une consommation et des dommages liés à l’alcool inférieurs à ceux des pays sans monopole, comme le Danemark ou la France, pays cités dans le rapport.
- En Suède et en Norvège, la consommation d’alcool par habitant est inférieure à la moyenne de l’Union européenne.
- Les hospitalisations et décès liés à l’alcool y sont moins fréquents que dans les pays où la vente est libéralisée.
- Les jeunes sont moins exposés à l’alcool : une étude montre que 37 % des adolescents islandais de 15-16 ans ont déjà consommé de l’alcool, contre une moyenne européenne de 79 %.
Les restrictions sur l’alcool en vente libre ont également permis de limiter les cas d’alcoolisation excessive et les conséquences immédiates, comme les accidents, les violences et les blessures.
Des régulations menacées par la libéralisation du marché
Malgré leur efficacité, ces monopoles font face à des pressions pour libéraliser le marché. Par exemple, la Finlande autorise désormais la vente de boissons alcoolisées titrant jusqu’à 8 degrés en supermarché, et des discussions sont en cours pour augmenter cette limite. En Suède, des ventes directes par les producteurs sont envisagées, remettant en question le monopole de Systembolaget. De plus, les ventes en ligne contournent progressivement ces restrictions.
L’expérience montre que l’ouverture du marché entraîne une augmentation de la consommation d’alcool et des dommages associés. En Finlande, l’autorisation de la vente de bière en supermarché en 1969 a conduit à une hausse de 46 % de la consommation d’alcool. En Suède, une libéralisation partielle en 1965 a entraîné une augmentation de 15 % des ventes d’alcool, avant que la mesure ne soit annulée en 1977, provoquant une baisse équivalente.
Une analyse de 12 privatisations dans différents pays a révélé une hausse médiane de 44,4 % des ventes d’alcool après l’ouverture du marché.
L’augmentation de la disponibilité de l’alcool entraîne des conséquences directes sur la santé publique, notamment une hausse des hospitalisations, des cas de dépendance et des décès liés à l’alcool.
Malgré les pressions de l’industrie de l’alcool, les monopoles nordiques bénéficient d’un large soutien de la population. En Finlande, 55 % des citoyens estiment que le monopole est un bon moyen de réduire les risques liés à l’alcool.
Le rapport de l’OMS confirme que ces systèmes sont parmi les plus efficaces pour limiter les dommages liés à l’alcool. Alors que leur avenir est incertain, l’OMS alerte sur le risque que leur démantèlement entraîne une hausse de la consommation et des risques pour la santé publique.