Un engagement partagé

Yvan Lelièvre, président du comité départemental de l’Yonne (Bourgogne-Franche-Comté) depuis 1999, et Lucie Cloix Aulard, directrice d’établissement à Auxerre depuis 2020, partagent les réussites de leur collaboration, et leur vision d’un engagement associatif fondé sur la complémentarité.

Comment se passe concrètement la collaboration entre vous en tant que binôme élu bénévole – professionnel ?

Yvan Lelièvre : Notre collaboration fonctionne très bien. Nous communiquons régulièrement, par téléphone, mail, ou lors de mes passages fréquents au CSAPA d’Auxerre. Nous avons un point trimestriel pour échanger sur l’activité des centres et sur les projets. J’ai pour principe de ne jamais engager un projet sans avoir consulté Lucie. Mon rôle, en tant que président, est d’être force de proposition, d’impulsion, de promouvoir l’adhésion et d’aider, tant que faire se peut, le personnel dans des activités annexes aux soins. Nous avons chacun notre cadre d’intervention.

Lucie Cloix Aulard : Avec Yvan, nous avons mis en place une vraie dynamique de confiance, basée sur la volonté de construire ensemble. Yvan est un président très présent, impliqué, que je considère comme une ressource précieuse. Grâce à lui et au vice-président, nous avons aujourd’hui un noyau solide d’une dizaine de bénévoles actifs. Cela nous permet d’organiser des événements plus ambitieux, en mobilisant aussi bien les adhérents que des partenaires extérieurs.

 

Quelles actions avez-vous mises en place ensemble en 2024 pour dynamiser la vie associative ?

Lucie Cloix Aulard : 2024 nous a permis de renforcer notre visibilité et de créer du lien. Nous avons organisé une randonnée ouverte à tous, auprès du tout public, nommée « Une marche pour tous », qui a réuni plus de 100 participants. C’était un projet important en partenariat avec la Fédération Française de Randonnée. En parallèle, un Village santé, avec des stands de prévention, d’information, et des partenaires comme Appel Médical, Groupama ou Yonne Diabète, était proposé. En 2024, nous avons participé au Forum des associations d’Auxerre. Ce fut aussi un moment humainement très riche, qui a permis deux nouvelles adhésions.

Yvan Lelièvre : Nous avons aussi organisé une réunion du comité départemental sur le thème de la place des usagers dans le cadre du débat associatif. C’était important pour nous d’ouvrir le dialogue entre adhérents, personnes accompagnées et professionnels. Nous avons aussi poursuivi le travail autour d’ateliers théâtre. La pièce Histoire d’hommes a été jouée à Paris pour les 150 ans de l’association. Une autre pièce, Le passé qui ne passait pas, a été créée pour accompagner une conférence sur les psychotraumas et les addictions. Elle a été jouée à Auxerre et à Sens, devant un public nombreux et très réceptif.

 

Quelles formes d’engagement pourraient être développées ?

Yvan Lelièvre : C’est une question qui oriente nos actions, et appelle une réponse collective. C’est dans cet esprit que nous avons lancé une section de randonnée mensuelle encadrée par deux soignants et deux bénévoles. Un atelier d’écriture, intitulé « Écrire pour l’utile et l’agréable », débutera en juin 2025 avec une bénévole et un professionnel. Le théâtre fonctionne très bien depuis trois ans, et on pourrait envisager de l’ouvrir à un public plus large.

Lucie Cloix Aulard : Il convient de privilégier des temps de convivialité tout en valorisant les savoir-faire et l’implication des bénévoles. Il faut aussi penser à diversifier les formats d’intervention pour toucher un public plus jeune. Par exemple, la « Color » Run organisée au lycée de Sens en 2024 a permis des échanges autour de la prévention et de l’engagement citoyen.

 

Comment voyez-vous l’évolution de l’engagement au sein d’Addictions France dans les prochaines années ?

Yvan Lelièvre : Pour l’instant, dans l’Yonne, je suis rassuré. Il y a une belle énergie entre les bénévoles et les professionnels. Le binôme que je forme avec Lucie fonctionne bien, et je pense que c’est essentiel pour faire avancer les choses. À l’avenir, j’aimerais qu’Addictions France continue à proposer des temps d’échange permettant aux comités territoriaux de croiser les bonnes pratiques à l’échelle nationale.

Lucie Cloix Aulard : Nous croyons beaucoup au rôle du binôme élu/professionnel pour porter le plaidoyer d’Addictions France et défendre nos valeurs sur le territoire. Pour cela, il nous faut outiller les élus et renforcer leur représentativité.

Témoignage de bénévole : auprès des personnes accompagnées 

M., bénévole à Addictions France dans l’Yonne, livre un témoignage émouvant sur la façon d’aborder les personnes accompagnées dans les CSAPA.  

« J’avais accepté de suppléer le Président du comité territorial de l’Yonne d’Addictions France pour faire passer un questionnaire aux usagers du Centre d’Auxerre. Ce questionnaire visait à comprendre ce qu’ils attendent de l’association : dans le cadre du développement de notre stratégie associative, l’implication des personnes accompagnées est souhaitée. Deux matinées passées à leur contact en mars 2025 m’ont fait comprendre que le travail des soignant(e)s est loin d’être inutile !

Le questionnaire en main, j’aborde, en salle d’attente, le sourire aux lèvres, les usagers venus, pour la plupart, chercher du “matériel » de réductions des risques. Je me présente comme une bénévole qui veut tenter d’améliorer la vie des usagers d’Addictions France : “On pose quelques questions, c’est anonyme. On demande, surtout, de dire ce que vous souhaiteriez voir améliorer au CSAPA. Cela ne prend que quelques minutes afin de ne pas vous faire manquer votre rendez-vous. Merci d’avance à celles et ceux qui vont accepter”.

Seulement 2 personnes m’expliqueront ne pas « être en état » pour répondre au questionnaire et 15 personnes accepteront. Dur, dur, pour moi qui adhère depuis peu et n’ai côtoyé que quelques usagers ! Les mettre en confiance, chercher du regard, redire, de façon plus claire, l’énoncé de la question et/ou l’expliquer… ! Certaines personnes me semblent en manque mais beaucoup d’entre eux, face à notre bienveillance, nous sourient et nous parlent respectueusement. Nous nous mettons parfois à l’écart. Dans cette pièce où nous leur avons réservé le fauteuil le plus confortable, ils se sentent bien et, sans que les questions portent sur leur “état” du moment, ils parlent. Nous les laissons s’exprimer, devant le besoin qu’ils ont de s’épancher. 

Certaines personnes m’ont particulièrement marquée.
Une maman aidante s’effondre en larmes pour dire la culpabilité qu’elle éprouve de n’avoir pas vu que son ado se détruisait. Un père de famille qui a un petit de 3 ans, veut s’en sortir pour continuer à travailler et que son gamin ne le voit pas comme ça.
Il nous raconte sa “difficile vie de drogué” mais il a aussi l’esprit en ébullition et fait des propositions positives. Son rendez-vous est là, il part en faisant des commentaires sur le “bien-fondé de cet entretien” ! Il incitera les autres à participer au questionnaire. Je citerai aussi ce papa et mari qui se sent perdu : il habite loin du CSAPA, doit prendre le train et passer plus d’une demi-journée pour honorer son rdv. Il se sent incapable de se présenter devant un éventuel patron et lui avouer “qu’une fois par mois, il devrait s’absenter pour aller au Centre” !


Pour moi, ce fut une riche expérience qui demande de l’écoute, de la bienveillance et de la compassion mais avec assez de recul pour ne pas s’apitoyer ! Ces deux matinées au contact d’usagers m’ont confirmé le besoin de suivre le stage de formation proposé au CSAPA pour pouvoir apporter des réponses d’orientation à celles et ceux qui se sentent “perdu(e)s”… »