Les usagers de drogues que l’association accueille et accompagne au quotidien ont le droit aux mêmes égards que le reste de la population. La mise en place d’une organisation différente, adaptée aux mesures de distanciation sociale et à ce public fragile, mais aussi à la réalité territoriale, notamment grâce à un système de drive et de livraison à domicile du matériel, s’est donc opérée naturellement : soutenir l’élan de solidarité insufflé par la crise était une évidence.

 

Pourquoi est-ce important, selon vous, de maintenir l’accueil physique des CAARUD pendant le confinement ?

 

Les personnes que nous accompagnons ont des relations sociales très réduites en temps normal. Beaucoup d’entre elles évoluent dans un environnement précaire, vétuste et dans un isolement social indéniable. Le confinement, par nature réduit encore davantage leurs interactions jusqu’à les mettre en difficulté : impossibilité de faire la manche, complications liées à l’approvisionnement en substances, etc.

Maintenir l’ouverture des CAARUD, c’est permettre aux usagers de venir chercher du matériel non seulement essentiel pour réduire les risques et les dommages liés à leurs consommations mais aussi faire de la prévention sur les risques de contamination au virus et partager sur les bons gestes à adopter. Finalement, le service élémentaire que nous leur délivrons repose sur un lien social, qui apporte des repères dans une situation qui, par son caractère inédit, nous échappe et nous déstabilise tous. C’est donc important pour les usagers de drogues de voir qu’ils ne sont pas seuls et que nous sommes là pour les écouter et les rassurer.

 

Qu’avez-vous mis en place pour vous adapter à cette situation exceptionnelle et assurer la continuité des soins ?  

 

Pour assurer la continuité des soins, nous nous sommes d’abord organisés en interne. L’objectif est qu’il y ait toujours une personne disponible au centre quoiqu’il arrive. Ma collègue Marie qui est conseillère en économie sociale et familiale, travaille de chez elle pour l’aide à l’accès aux droits et moi, j’interviens seul au CAARUD. De cette façon, si je tombe malade, mes collègues pourront prendre le relais et garantir la continuité du service.

Ensuite, dans le respect des gestes barrières, nous avons mis en place un système de drive qui s’appuie sur un protocole dont l’usage évolue avec les besoins que nous identifions chez les usagers : appel la veille pour fixer un rendez-vous et récupérer le matériel pour soi et pour les autres par exemple. J’ai remarqué que les usagers étaient très respectueux des gestes barrières mais aussi angoissés par la situation et qu’ils avaient besoin de parler. Bien que la délivrance du matériel par voie postale soit possible – un fonctionnement proposé avant la crise – certaines personnes qui y avaient recours préfèrent paradoxalement venir chercher le matériel physiquement. Notre rôle c’est aussi de répondre à cette inquiétude.

 

En Bretagne, peut-on parler de solidarité entre les structures médico-sociales ? Comment vous organisez-vous avec les autres acteurs du territoire ?

 

Nous pouvons compter sur un bel élan de solidarité entre les structures accueillant les usagers de drogues dans la région. Trois autres CAARUD sont gérés par d’autres associations que l’ANPAA.

Le système de drive ayant fait des émules, nos 4 centres fonctionnent de la même manière et nous nous appelons pour échanger sur nos pratiques. Nous travaillons également avec une association de lutte contre l’exclusion et la précarité. La ville de Saint-Brieuc a organisé l’accueil des personnes précaires dans un hôtel en périphérie et cette association nous aide à y livrer du matériel. Dans de tels moments, on fait corps, on se détache des contraintes administratives pour agir plus vite. La solidarité est un moteur et le bien être des usagers prévaut sur toute autre préoccupation.