Depuis des semaines, la perspective de l’ouverture d’un équipement de soins de type Lam- LHSS (Lits d’accueil médicalisé-lits halte soins santé) dans l’ancien hôpital Chardon-Lagache à Paris est l’objet d’une polémique incompréhensible. Des femmes et des hommes politiques de tous bords se sont emparés de ce projet en faisant un étendard pour les uns, un épouvantail pour les autres. Dans les deux cas, ces jeux politiciens – aggravés par la période électorale – sacrifient l’intérêt de la population à l’image des élus. Il est urgent de rappeler ce dont il s’agit et de revenir aux enjeux de santé publique.

Les usagers de drogues, quelles que soient ces drogues, sont pour certains d’entre eux en besoin et demande de soins. Ces soins peuvent être suivis de succès. La prise en charge passe par un sevrage en milieu hospitalier, puis une consolidation dans un établissement avec des soins quotidiens, un suivi médical, des activités collectives. Cette phase de suivi intensif post-hospitalier débouche sur des orientations différentes selon les perspectives, notamment personnelles et familiales, des patients. Les patients sont considérés comme consommateurs actifs non pas en tant que consommateurs de drogues, mais en ce qu’ils ont besoin, pour un sevrage durable, d’un suivi et d’une aide médicale importante. Durant ce parcours, les patients ont besoin de soins addictologiques, psychiatriques, mais aussi somatiques en raison des pathologies associées. Ce qui détermine la réussite du sevrage et du rétablissement de l’état de santé n’est ni l’enfermement, ni l’éloignement, mais la qualité des soins, leur continuité, la capacité des équipes à répondre à toute situation non prévue.

Nous avons lu le projet prévu sur l’établissement de Chardon-Lagache. Il constituera une amélioration considérable de la prise en charge des usagers de drogue en Île-de-France, et particulièrement à Paris. Il répond à une nécessité urgente, documentée depuis longtemps, et à laquelle ni les services hospitaliers, ni les services ambulatoires ne peuvent faire face. Ce projet est porté par des équipes, notamment issues de l’AP-HP pour la dimension médicale, qui ont fait leurs preuves à la fois sur le terrain et dans le domaine scientifique. Une non-décision sur ce projet aurait mécaniquement des conséquences sur des services hospitaliers sous tension.

Ce projet d’un établissement de soins n’entraînera pas plus de risques pour le voisinage, qu’il s’agisse d’enfants, de personnes handicapées ou âgées, que tout autre établissement collectif : pas plus de risques qu’un hôpital, un grand commerce ou un autre établissement médico-social. Il n’est pas raisonnable de faire naître des angoisses, fondées sur des expériences – celle de la scène

publique de Forceval ou sur celle qui existait Porte de la Chapelle – qui n’ont strictement rien à voir avec le projet envisagé. Les caractéristiques des patients pris en charge, la nature de l’accompagnement médical, mais aussi la configuration des lieux contredisent factuellement le moindre danger pour la population. Ainsi, le rejet exprimé ici ou là abandonne le principe citoyen de solidarité avec les plus faibles pour un motif qui ne repose sur rien.

Nous tenons aussi à souligner que ce projet n’est pas un projet de réduction des risques, encore moins un projet de consommation accompagnée. La confusion entretenue de tous côtés entre la démarche de soins mise en œuvre ici et la démarche de réduction des risques, nécessaire par ailleurs, mais qui ne concerne pas le projet de Chardon-Lagache, est contraire à la réalité médicale.

C’est pourquoi nous souhaitons prendre publiquement position.

  • Nous demandons à l’Agence Régionale de Santé et à la Ministre de la Santé et de la Prévention d’ouvrir rapidement l’établissement envisagé.
  • Nous demandons aux élus et aux hommes et femmes politiques de cesser les amalgames et les discours globaux, les récupérations de part et d’autre, et de contribuer à mettre en œuvre des dispositifs concrets, diversifiés, permettant de faire face aux souffrances que les toxicomanies induisent pour les personnes qui en sont victimes, comme pour leur entourage proche ou moins

 

Contacts

Professeur Amine Benyamina, PUPH, chef du service d’addictologie de Paul Brousse, APHP, Villejuif – Président de la Fédération Française d’Addictologie – ffa@larbredecomm.fr

Docteur Bernard Basset, spécialiste en santé publique, Paris – Président d’Addictions France – Bernard.BASSET@addictions-france.org

 

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