La crise sanitaire a des répercussions sur les conduites addictives des Français
En France, plus d’un consommateur sur trois a nettement augmenté sa consommation de tabac, cannabis et/ou médicaments psychotropes depuis le début de l’épidémie… Les écrans ne sont pas en reste, pour la population générale comme pour les publics les plus fragilisés par la crise.
Le troisième confinement, entré en vigueur le samedi 3 avril, n’est pas une bonne nouvelle concernant les conduites addictives des Français. A l’heure où un Français sur 10 indique avoir déjà été suivi pour un problème d’addiction, une étude BVA-Addictions France[1] (ex ANPAA) révèle que plus d’un consommateur sur trois a nettement augmenté sa consommation de tabac, cannabis et/ou médicaments psychotropes pendant la première année de crise sanitaire.
Le moral baisse, les consommations augmentent
Cette enquête, réalisée du 15 au 24 février 2021 auprès d’un échantillon national représentatif de 2001 personnes âgées de 15 ans et plus, révèle que les restrictions sanitaires ont aussi eu un impact sur les addictions sans substance. 60 % des Français ont augmenté leur temps d’écrans récréatifs depuis le début de la crise avec un quart d’entre eux (24%) passant au moins 6 heures par jour devant un écran pour se distraire.
L’effondrement du moral des Français, notamment des plus fragiles, est la toile de fond de cette augmentation des conduites addictives. Plus d’1 Français sur 2 estime que la crise sanitaire et les restrictions vécues ont eu un impact négatif sur son moral (56%). C’est ainsi bien sur la santé psychologique que la situation a eu le plus de conséquences néfastes, davantage que sur les relations avec leurs proches (53%) la situation financière (35%), la vie professionnelle (34%) ou encore l’accès aux soins (29%).
La crise aggrave la situation des personnes les plus en difficulté
Preuve du lien entre souffrance psychologique et conduites addictives, la vulnérabilité de certaines populations face aux addictions est manifeste. L’étude révèle de fortes inégalités concernant l’impact de la crise sanitaire sur les conduites addictives : les personnes dans une situation financière très difficile, celles déjà suivies pour une addiction, les polyconsommateurs[2], les personnes ayant connu un arrêt de leur activité professionnelle lors de l’année écoulée et les étudiants s’avèrent des populations plus touchées que les autres, avec un impact encore plus négatif de la crise sur leurs consommations.
Pour ces populations, les consommations à risque flambent. Entre autres chiffres :
- 58% des personnes ayant déjà été suivies pour un problème d’addiction ont augmenté leur consommation d’anxiolytiques (vs 33% en moyenne)
- 56% des personnes en situation financière difficile admettent qu’il était difficile de maîtriser certaines consommations à risques en période de confinement (vs 38% en moyenne)
- 53 % des gros fumeurs (plus de 10 cigarettes par jour) ont augmenté leur consommation de tabac (vs 35% en moyenne)
- 45% des polyconsommateurs ont augmenté leur consommation d’alcool (vs 21% en moyenne)
- 3 étudiants sur 4 ont augmenté le temps passé devant un écran, en dehors de leurs études (vs 60% en moyenne).
L’ennui, l’anxiété, la solitude mais aussi la recherche de plaisir sont des raisons globalement similaires pour expliquer l’augmentation des consommations, quel que soit leur type. Dans le détail, les motifs ayant poussé à augmenter sa consommation de tabac ou de cannabis au cours de l’année écoulée sont comparables et expriment avant tout la nécessité de compenser une frustration ou un manque : l’anxiété et l’ennui en 1e et 2e position, le sentiment d’isolement ou de solitude en 3ème et le plaisir en 4e raison.
Addictions France en première ligne pour accompagner ceux qui en ont besoin
Les personnes suivies pour addiction font état d’un fort besoin d’accompagnement, suite à une année marquée par une augmentation de leurs conduites addictives et un accès aux soins plus limité. Ainsi 78% estiment avoir davantage besoin d’accompagnement pour leur problème d’addiction qu’il y a 1 an (43% beaucoup plus qu’avant, 35% un peu plus qu’avant). Et pourtant, 39% d’entre eux ont dû renoncer à se faire accompagner, soit parce qu’ils ont eu des difficultés à obtenir un rendez-vous, soit parce qu’ils ne savaient pas vers quelles structures se tourner.
« Notre étude montre que les conduites addictives augmentent depuis le début de l’épidémie, notamment chez les plus précaires et les plus vulnérables. Notre association, qui a fait de ces populations une priorité, a, depuis un an, adapté ses modalités d’accompagnement avec par exemple des systèmes de drive pour distribuer du matériel de réduction des risques, des coopérations avec des centres d’hébergement d’urgence ou encore le développement de téléconsultations pour assurer une continuité dans les parcours de soin. Mais nous voyons bien que de nombreuses personnes restent encore éloignés de nos dispositifs », commente Bernard Basset, président d’Addictions France.
« Au-delà de ce que nous pouvons faire, il est aussi essentiel de changer de regard sur les addictions et mieux faire connaitre les structures comme les nôtres. L’impossibilité de contrôler ses consommations n’a pas à être teintée de honte, de solitude, de mystère ou de la crainte d’une punition. Les addictions doivent être prises pour ce qu’elles sont : des maladies qui nécessitent un accompagnement global sur les plans médicaux, psychologiques et sociaux. C’est tout le sens de l’accompagnement anonyme et gratuit que nous proposons dans nos centres. Une vision aussi au cœur des actions de prévention et de formation que nous menons partout en France. »
[1] Enquête réalisée par internet du 15 au 24 février 2021 auprès d’un échantillon national représentatif de la population française âgée de 15 ans ou plus, composé de 2001 personnes. L’échantillon a été construit selon la méthode des quotas appliquée aux variables suivantes : sexe, âge et profession du répondant, région et catégorie d’agglomération.
[2] On désigne par ce terme les consommateurs d’au moins 2 produits : alcool au-delà des repères de consommation, tabac ou cannabis.
Plus de 6 parents sur 10 en difficulté pour réguler le temps d’écran des enfants pendant les confinements
63% des parents connaissent des difficultés pour limiter le temps d’exposition aux écrans de leurs enfants pendant les confinements. Pourtant, à première vue, plus de 60% des parents se déclarent plutôt bien informés concernant les risques d’exposition aux écrans pour les enfants, que ce soit concernant la durée réelle d’utilisation de leur(s) enfant(s), les impacts à long terme des écrans sur leur développement, la durée d’utilisation recommandée ou encore les moyens à leur disposition pour limiter leur exposition. Pour les aider, Association Addictions France propose des Consultations jeunes consommateurs (CJC) dans la plupart de ses 90 centres et propose également des interventions sur le bon usage des outils numériques aux 2500 établissements scolaires qu’elle accompagne.
La consommation d’alcool, un cas particulier
Les effets de la crise sanitaire sont plus ambivalents sur la consommation d’alcool même si près d’1 consommateur sur 5 admet boire davantage depuis le début de l’épidémie.
- Contrairement aux autres produits, la consommation d’alcool a autant augmenté que diminué parmi les consommateurs : 21% d’entre eux indiquent avoir consommé plus d’alcool depuis 1 an alors que 20% en ont moins consommé (elle est stable dans 59% des cas).
- La baisse de la consommation d’alcool s’explique essentiellement par une vie sociale et des moments festifs plus restreints sur l’année compte tenu des restrictions sanitaires.
Près d’1 Français sur 10 initié aux médicaments psychotropes depuis le début de l’épidémie
Près d’1 Français sur 10 (8%) ont commencé à prendre des médicaments psychotropes au cours de l’année écoulée. Parmi ceux qui en consommaient déjà avant le 1er confinement, 33% des consommateurs d’anxiolytiques et de somnifères ont augmenté leur consommation depuis 1 an alors que seulement 10% ont diminué, et un quart des consommateurs d’antidépresseurs ont augmenté leurs prises ces 12 derniers mois (26%) tandis que 9% les ont limitées. Pour 13% des personnes concernées, la prise de ces médicaments a remplacé la consommation d’autres substances psychoactives.
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