Des sommes records pariées sur un seul match, des campagnes marketing plus que limites , des pubs visant directement les jeunes… autant de dérives des industries du jeu d’argent et de l’alcool observées par Addictions France lors de cette Coupe du monde de rugby.  

 

Compétition sportive = pari sportif ?

La Coupe du monde de rugby aura été lucrative pour les sites de paris en ligne. Sur le match d’ouverture France / Nouvelle-Zélande, le record pour un match de rugby a été battu : 8,5 millions d’euros pariés en 80 minutes selon l’ANJ. Capitaliser sur ce sport aura donc été un pari gagnant pour les opérateurs de jeux, même si cela se fait au détriment des jeunes. En effet, selon l’Observatoire des joueurs, 62% du chiffre d’affaires des opérateurs de paris provient de parieurs excessifs, le plus souvent jeunes et précaires.

Arriver à ces records de mises sous-entend un investissement marketing, dans un but : convertir les personnes intéressées par le rugby en parieurs. Parmi les techniques aguicheuses et donc contestables du point de vue des addictologues :

  • Faire appel à des stars du rugby (Penaud, Ramos…), comme l’a fait le site de paris sportifs Parions Sport, pour toucher leur communauté.
  • Sponsoriser des influenceurs et des comptes spécialisés dans le sport pour inciter leurs fans à parier, comme le font les sites Zebet ou Vbet.
  • Offrir des gratifications financières (codes promotionnels, crédits pour jouer…)

Pour l’industrie du jeu d’argent, il s’agit de rendre le sport indissociable des paris sportifs en suggérant qu’on ne pourrait plus profiter d’un match sans y avoir misé de l’argent. Or plus il y a de joueurs, plus il y a d’addicts. Addictions France craint l’explosion de ces publicités pendant l’Euro 2024 et les JO de Paris.

 

Les géants de la bière s’adaptent face à la loi Evin 

En matière d’alcool, lors de cette Coupe du monde de rugby, 1664 et Asahi ont joué avec le cadre légal de la loi Evin qui interdit d’associer l’alcool à l’univers fédérateur du sport et à des célébrités :

  • Les bières 1664 a créé le jeu de mot « la 16 de France », floqué sur des affichettes de bar et des écocups, envoyés à des influenceuses pour qu’elles les mettent en scène avec des apéros sur les réseaux sociaux, en toute illégalité.
  • Le géant asiatique de la bière, distributeur officiel de cette Coupe du monde, s’est implanté dans des centaines de bars et restaurants français, avec une opération marketing alliant le rugby et la gastronomie, par des partenariats avec les anciens candidats de Top Chef.
  • Asahi, toujours, a promu sa bière sans alcool « Super Try 0.0 » aux abords des terrains, une pratique qui permet de faire connaitre la marque et ses boissons alcoolisées.

Mais cette année, pas de campagne illégale flagrante à très grande échelle : ces deux marques ont surtout communiqué dans les bars et les stades ou avec des influenceurs, des pratiques pas encore condamnées en vertu de la loi Evin.

La condamnation de Carlsberg, qui s’était rendu extrêmement visible dans les fan zones de l’Euro 2016, et celle plus récente du n°1 mondial de la bière, ABInbev, pour la publicité illégale « Buuuuud » placardée de toute part pendant la Coupe du Monde au Qatar, ont certainement contribué à une diminution de la visibilité des marques d’alcool et des contenus illicites à l’occasion de compétitions sportives. Addictions France, qui avait porté ces affaires en justice, s’en félicite. En touchant à leur portefeuille et à leur image, ces sanctions ont un effet dissuasif sur les industriels de l’alcool.

Cette satisfaction reste néanmoins teintée d’amertume. Le marketing de la bière pendant la Coupe du monde s’est déployé dans un contexte où le Gouvernement, sous la pression des lobbies de l’alcool, a annulé des campagnes de prévention sur les risques liés à la consommation d’alcool. Il semble ainsi plus facile d’enfreindre la loi sur la publicité en faveur de l’alcool que de prévenir les consommations excessives.

Le Gouvernement est-il définitivement celui des lobbies contre la santé, ou un changement de direction est-il possible ?

À l’aube des compétitions sportives 2024, Addictions France constate que malgré leurs engagements pour la communication responsable et plusieurs avancées en matière d’alcool, les industries du jeu d’argent et de l’alcool continuent leurs pratiques marketing pour attirer les jeunes – qui restent les plus vulnérables face aux addictions. Alors qu’il est urgent d’aller plus loin, l’association appelle le Gouvernement à :

●       La création d’une loi Evin spécifique les jeux d’argent et de hasard,

●       Des sanctions exemplaires en cas de manquement à la loi et aucune tolérance face à l’influence marketing et politique des lobbies de l’alcool.

À propos d’Addictions France :

Reconnue d’utilité publique et agréée d’éducation populaire, Association Addictions France (anciennement ANPAA) est un acteur majeur et historique de la santé publique fondé en 1872 par Louis Pasteur et Claude Bernard. Composée de professionnels du médico-psycho-social, de la prévention et du plaidoyer, l’association agit au plus près des populations et intervient sur toutes les addictions (tabac, alcool, cannabis, médicaments psychotropes, pratiques de jeux excessives, drogues illicites et autres addictions sans substance).

En plus d’informer, de sensibiliser et de faire de la prévention pour tous les publics, elle gère plusieurs dizaines de centres en addictologie en France métropolitaine et en Outre-mer, propose des formations auprès des professionnels, tout en veillant au respect et à la défense de la Loi Evin.  Addictions France porte finalement un projet de société dans lequel la problématique des addictions n’est ni un tabou, ni une fatalité : ensemble, changeons le regard sur les addictions !

Contacts presse Addictions France :