Cannabis et santé mentale : démêler le vrai du faux
Des effets ambivalents sur l’endormissement
Le cannabis est souvent évoqué pour ses effets sur le sommeil : de nombreux consommateurs rapportent que leur consommation de cannabis raccourcit leur temps d’endormissement et permet d’éviter les réveils nocturnes. Sur des usages ponctuels, la consommation de cannabis semble efficace. Cependant, l’usage régulier et long terme tendrait à avoir un effet inverse.
Les travaux scientifiques s’intéressant aux relations entre cannabis et sommeil révèlent que les effets du cannabis dépendent du type de principe actif utilisé (THC ou CBD), de la concentration et du dosage de ces deux composants, ainsi que des modalités de consommation. Ainsi, si le THC favorise ponctuellement l’endormissement, augmente la durée du cycle de sommeil et allonge le temps de sommeil profond, ses effets s’estompent quand la prise devient régulière. Dans ce cas-là, la consommation interfère dans la sécrétion de mélatonine et raccourcit le temps de sommeil paradoxal. La qualité du sommeil est donc grandement réduite. Par ailleurs, l’utilisation à long terme du cannabis pour favoriser le sommeil peut entraîner une tolérance, nécessitant des doses plus élevées pour obtenir le même effet, et éventuellement des troubles du sommeil lorsqu’il est interrompu.
Un effet complexe sur les troubles anxieux
Le lien entre le cannabis et l’anxiété est également paradoxal. Là aussi, les effets dépendent des composants spécifiques du cannabis, de la dose consommée et de la sensibilité individuelle. Les deux principes actifs influencent différemment l’anxiété. Le THC est le principal composant psychoactif du cannabis, responsable d’effets euphoriques mais aussi potentiellement anxiogènes. Le CBD, non psychoactif, est souvent associé à des effets anxiolytiques et relaxants. De faibles doses de THC peuvent induire une sensation de relaxation et de bien-être, tandis que des doses élevées peuvent provoquer des effets inverses, tels que la paranoïa et l’anxiété. La consommation de cannabis peut aussi engendrer des « bad trips » qui se caractérisent par une angoisse intense, des tremblements, des palpitations, de la confusion … Expérience parfois traumatisante, les symptômes sont le plus souvent passagers mais ces épisodes peuvent entraîner une anxiété durable.
Si l’usage régulier de cannabis est souvent associé à une augmentation des troubles anxieux ou des troubles dépressifs, la relation est en réalité plus complexe. En effet, la dépendance à une substance psychoactive concernerait environ 30 % de sujets anxieux. Le trouble anxieux peut donc précéder la consommation de cannabis. C’est le débat de l’œuf et de la poule : qu’est-ce qui advient en premier et entraîne l’autre ?
Est-ce que le cannabis « rend fou » ?
La relation entre le cannabis et les troubles psychotiques est un sujet de préoccupation croissant. Les troubles psychotiques, tels que la schizophrénie, se caractérisent par une perte de contact avec la réalité et entraînent des symptômes comme des hallucinations, des délires et des pensées désorganisées. La consommation de cannabis, en particulier à un jeune âge, a été associée à un risque accru de développer de tels troubles.
Plusieurs études ont démontré que l’utilisation régulière de cannabis, en particulier de souches riches en THC, peut augmenter le risque de développer des symptômes psychotiques. Le THC impacte le système en charge de la régulation de l’humeur, de la mémoire et de la perception, ce qui peut provoquer des anomalies dans la neurotransmission, contribuant ainsi à l’apparition de ces symptômes. Cependant, là encore, la corrélation entre cannabis et trouble psychotique dépend d’un ensemble de paramètres. Le risque est particulièrement élevé chez les individus ayant une prédisposition génétique ou des antécédents familiaux. Il est donc essentiel de prendre en compte le terrain existant : le THC fonctionne comme un déclencheur des troubles. Ce sont les personnes qui présentent des fragilités ou des signes avant-coureurs qui seraient le plus susceptibles de développer des troubles. À l’inverse, le CBD aurait des propriétés antipsychotiques selon certaines études. Il pourrait contrer les effets du THC et est actuellement étudié comme traitement potentiel pour les troubles psychotiques.
Adapter le cadre législatif actuel pour une meilleure prise en charge
Une consommation occasionnelle de cannabis peut procurer une sensation de bien-être. Mais, sur le long terme, des dangers apparaissent. La même chose peut se dire de la consommation d’alcool ou de tabac. Pourtant, la façon de concevoir et d’aborder la consommation de ces substances par les pouvoirs publics varie fortement.
Le cadre législatif actuel a prouvé son inefficacité. Malgré des mesures répressives très strictes, la consommation de cannabis s’est largement répandue en France, qui figure parmi les plus grandes consommatrices en Europe. La prohibition et la pénalisation des usagers ont des répercussions négatives sur la santé publique : elles stigmatisent les individus, éloignent ceux qui ont besoin de soins, et entravent les actions de prévention. Si la légalisation du cannabis n’éliminera pas les risques liés à sa consommation, elle permettrait de mener des campagnes de prévention plus objectives et mieux adaptées, tout en offrant un meilleur accompagnement aux personnes en difficulté.
Pour aller plus loin
- Lire la note de position d’Addictions France
- Télécharger le Dépliant cannabis Addictions France
- https://www.slate.fr/story/245999/cannabis-effets-sante-mentale-sommeil-troubles-psy-risques
- https://www.santepubliquefrance.fr/media/files/02-determinants-de-sante/drogues-illicites/l-impact-du-cannabis-sur-la-sante-un-point-sur-les-connaissances-mise-au-point