Encadrer la publicité pour l’alcool

Des supports de publicité limités

  • La publicité est autorisée sur un nombre limité de supports : presse, radio, envoi de supports par les fabricants, etc…

  • Les publicités sont interdites à la télévision et au cinéma.

  • Jusqu’en 2009, la publicité pour l’alcool n’était pas autorisée sur internet, la loi Evin n’ayant pas prévu ce media parmi la liste des supports autorisés. A partir de cette date, avec la loi HPST (hôpital, patients, santé, territoires), la publicité est autorisée à l’exception des sites destinés à la jeunesse ou dédiés au sport et à l’activité physique et sous certaines conditions : la publicité ne doit pas être « intrusive ni interstitielle », selon les termes de la loi.

Qu’est-ce qu’une publicité interstitielle ou intrusive ?

C’est la publicité qui vient gêner ou entraver la lecture ou le visionnage d’un contenu. Par exemple, sur Instagram, Tiktok ou Snapchat, une publicité pour de l’alcool glissée entre deux 2 stories est considérée comme interstitielle et intrusive. Autre exemple, sur YouTube, un film publicitaire qui se lance avant une vidéo, dans la mesure où il vient entraver le visionnage de la vidéo souhaitée, a un caractère intempestif et peut être qualifiée d’interstitielle. A noter que la justice s’est déjà prononcée sur ce type de publicité, notamment sur le réseau social Facebook.

 

 

Des contenus de publicité très encadrés

Quel que soit le support, y compris internet, le contenu des publicités est limité à certaines indications : degré d’alcool, dénomination, origine, composition, nom du fabricant, référence aux AOC et récompenses, etc. Il s’agit de références objectives et informatives sur la nature du produit, pour éclairer le consommateur.

À travers ce cadre strict et limitatif, l’alcool ne peut pas être présenté sous un angle favorable ou attractif.

Le code de la santé publique précise également que toute publicité en faveur de boissons alcooliques doit être assortie d’un message sanitaire précisant que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé. Même sur les publications postées par des influenceurs, cette mention doit être affichée de manière visible.

 

À quels enjeux répond la loi Evin ?

Le marketing et les jeunes

La loi Evin répond à une réalité aujourd’hui démontrée par les scientifiques :

  • Les jeunes sont les plus réceptifs aux messages publicitaires,
  • Ils le sont encore davantage lorsque cette publicité n’est pas faite directement par eux, mais en passant par des influenceurs par exemple.

En France et selon l’observatoire Kantar Media, il est estimé que les budgets publicitaires des marques d’alcool, qui ne représentent qu’une partie des dépenses marketing, sont compris entre 200 et 450 millions d’euros entre 2016 et 2018.

Les conséquences de l’alcool dans la société

L’alcool est à l’origine de nombreux dégâts aussi bien en termes de santé que socialement, pour les personnes qui ont une consommation risquée et leur entourage. Le coût pour la société est considérable comme cela est rappelé dans notre Décryptages.

Toutes les recommandations des experts qu’elles soient nationales ou internationales préconisent que les mesures d’accompagnement soient corrélées à des mesures dites « environnementales » en vue de réguler le marketing des produits nocifs pour la santé et la société.

 

Promotion de l’alcool sur internet : les réseaux sociaux n’échappent pas à la loi

La loi Evin et la jurisprudence

A partir de 2009, les marques d’alcool ont investi Internet et ont eu recours à des publicités illégales, notamment par le biais des influenceurs qui souvent ne connaissent pas la loi et les risques juridiques.

Cependant, la loi Evin s’applique bien aux réseaux sociaux et influenceurs. Elle s’applique à toute personne créant un contenu qui met en avant une marque d’alcool ou une boisson alcoolique. A ce sujet, une décision de la Cour de cassation (Affaire ANPAA contre Auto-moto) le souligne très clairement : la condamnation d’une publicité ne dépend pas d’un lien avéré avec le producteur d’alcool, mais bien de la valorisation du produit, peu importe qui est la personne qui en fait la propagande.

JUSTICE ET INSTAGRAM

  • Le Tribunal judiciaire de Paris a condamné, par une décision du 5 janvier 2023, confirmée en appel, la société META PLATFORMS IRELAND LIMITED à retirer 37 publications sur Instagram.  Ces publications, postées par 19 influenceurs différents, étaient contraires à la loi Evin en ce qu’elles faisaient la promotion des boissons alcoolisées.Meta a formé un pourvoi en cassation.
  • Le 17 mars 2023, le tribunal judiciaire de Paris a condamné pour la première fois un influenceur, Pierre Croce (3,9 millions d’abonnés), pour publicité illicite de boissons alcooliques. Il a été condamné à une amende de 10 000 euros avec sursis et 10 000 euros de dommages et intérêts pour avoir publié une vidéo fin 2021 de « défi et dégustation » d’alcools de nombreuses marques.
  • Par la suite, c’est l’influenceuse Annarvr qui a été condamnée par le Tribunal correctionnel de Paris le 4 mars 2024 à une amende de 3 000 € en raison de plusieurs publications manifestement illicites promouvant l’alcool, postées entre juin 2021 et juillet 2023, telles que « le rosé, ma passion n°1 ». Les publications, mêlant glamour, hédonisme, évasion, ou encore des packagings et dénominations faisant appel au lexique de la sensualité, ont été jugées contraires à la loi Evin.
    Voir le communiqué de presse.

Pour en savoir plus, consulter le commentaire de la décision, le communiqué de presse et la note de position.

 

Le 26 septembre 2024, les créateurs de contenu McFly et Carlito ont annoncé, dans une vidéo diffusée sur leur chaîne YouTube, la cessation de leur concept de vidéos de dégustation de boissons alcooliques. Ces vidéos allaient à l’encontre de la loi Evin, ce qu’Addictions France leur avait rappelé. Ils ont expliqué avoir pris conscience de l’impact que pouvait avoir leur discours sur la perception de l’alcool par le plus grand nombre et ont rappelé que l’alcool était loin d’être une substance anodine et pouvait avoir des conséquences lourdes sur la santé.

 

 

Le code de la consommation et la LCEN (loi pour la confiance dans l’économie numérique )

Le code de la consommation et la loi pour la confiance dans l’économie numérique déterminent les pratiques commerciales interdites sur internet et les réseaux sociaux. Quand une publicité dissimule son intention commerciale, elle peut être qualifiée de pratique commerciale trompeuse. La publication doit donc être clairement identifiable comme une publicité par la mention « Publicité » ou « Sponsorisé » par exemple.

Respecter la loi sur les réseaux sociaux 

Addictions France veille à faire respecter la loi Evin sur tous les supports où elle s’applique. Sur les réseaux sociaux, les marques d’alcool s’appuient sur la notoriété d’influenceurs pour promouvoir leurs boissons alcooliques et cibler les jeunes qui sont les consommateurs d’aujourd’hui, et surtout les potentiels gros consommateurs de demain.

Pour Addictions France, encadrer les pratiques publicitaires des alcooliers sur internet ne peut se faire qu’avec le concours de ceux qui se font le relais des marques : les créateurs (influenceurs notamment) et les hébergeurs de contenus. (Facebook-Instagram / Tik-Tok / Snapchat). L’un comme l’autre doit être au fait des règles qui s’appliquent en France. Les premiers sont invités à ne pas publier de contenus illégaux et les seconds à être sensibles aux signalements qui leur sont transmis et envisager favorablement leur suppression.

 

A votre avis, pourquoi cette publicité (fictive) n’est pas légale ?