Paris, le 1er février 2024

 

C’est la suite d’un feuilleton judiciaire commencé fin 2022, lorsqu’Addictions France avait assigné Meta en justice. L’objectif : faire supprimer des contenus publiés par des influenceurs cumulant la bagatelle de 5 millions de followers, valorisant plusieurs dizaines de marques d’alcool de façon illégale sur Instagram (telles que Grey Goose, Heineken, Laurent Perrier, Havana Club ou encore Aperol). Dans un arrêt rendu le 21 décembre 2023, la Cour d’appel de Paris a confirmé la condamnation de Meta prononcée le 5 janvier 2023 par le Tribunal judiciaire, et oblige la plateforme à fournir l’identité des influenceurs impliqués.

 

La LCEN1 au soutien de la santé publique (et de la loi Evin)

En première instance, la société Meta a été condamnée à supprimer 37 publications publiées par 19 influenceurs sur Instagram et à transmettre à Addictions France leur identité et leurs coordonnées afin qu’ils soient poursuivis. Les contenus furent bien supprimés, mais Meta n’a pas transmis les données d’identification de leurs auteurs. Le géant américain fit en effet appel du jugement, en contestant à Addictions France le droit de recourir à la Loi confiance en l’économie numérique (LCEN) et à la procédure accélérée au fond, prévue par son article 6.1.8.

La Cour d’appel a néanmoins rejeté les arguments de Meta. Elle a ainsi indiqué qu’« il existe donc bien, par l’incitation non encadrée à consommer de l’alcool, un dommage, au sens de l’article L 6, I, 8 de la LCEN, porté à l’objet même d’Addictions France et la demande de communication des éléments d’identification est particulièrement fondée, étant précisé qu’Addictions France justifie avoir tenté de contacter les titulaires des comptes mais qu’elle s’est heurtée à des refus de retirer lesdites publications. »

En soulignant la responsabilité des plateformes pour créer un environnement numérique sûr et conforme à la loi, l’arrêt de la Cour d’appel constitue une grande avancée s’agissant de la loi Evin mais aussi en ce qui concerne la question de l’anonymat sur internet.

 

Protection des jeunes : le double jeu de Méta

Pourtant à ce jour, Meta n’a pas transmis la moindre information permettant d’identifier les auteurs des infractions à la loi Evin. Pour pouvoir transmettre ces coordonnées, il serait nécessaire que soient mis en place des outils appropriés lors des créations de comptes. Nous ignorons ce qu’il en est à ce jour. Par son action, Addictions France place ainsi le géant américain face à ses responsabilités, alors qu’il a jusqu’à présent privilégié un mode de fonctionnement plus que permissif.

Meta a annoncé récemment vouloir renforcer la protection des adolescents via l’autorisation parentale. Il est légitime d’attendre de l’entreprise un engagement total sur cette question. Addictions France attend aujourd’hui que Meta coopère réellement, tout en et prenant des mesures pour lutter contre la diffusion des contenus illégaux sur ses plateformes (Instagram et Facebook) promouvant l’alcool à destination d’un public jeune et particulièrement influençable.

 

Et la loi « influenceurs » dans tout cela ?

Rappelons par ailleurs que le problème vient aussi des auteurs des infractions eux-mêmes : les marques d’alcool et les influenceurs qui en font la promotion. La procédure engagée par Addictions France devant les tribunaux l’avait été avant la promulgation de loi visant à lutter contre les dérives des influenceurs. Lors des débats parlementaires, l’association avait par ailleurs formulé des attentes spécifiques en matière de publicité sur l’alcool qui n’avaient malheureusement pas été entendues par le gouvernement.

Pour Franck LECAS responsable juridique à Addictions France :

« Hélas, non seulement la loi influenceur n’apporte aucune solution concrète pour une meilleure régulation du marketing de l’addiction par les influenceurs, mais en termes de transparence, c’est également insuffisant. Elle aurait pu imposer à ces derniers d’afficher des mentions légales (comme pour tous les sites internet) permettant notamment aux associations d’agir en justice contre les créateurs de contenus illicites, sans avoir à engager une procédure lourde contre la plateforme ».

Au lieu de cela, la loi confie à la seule DGCCRF la charge de contrôler les activités de centaines de milliers de créateurs de contenus. Addictions France demande aujourd’hui à la DGCCRF de se saisir urgemment des signalements effectués par l’association en août 2023. Il s’agit de contenus alcool promus par 20 autres influenceurs (hors affaire Meta) massivement suivis en France tels que Lena Situations, qui malgré les explications relatives à la loi Evin transmises par Addictions France, continuent à publier en toute impunité.

 

À propos d’Addictions France  :

Reconnue d’utilité publique et agréée d’éducation populaire, Association Addictions France (anciennement ANPAA) est un acteur majeur et historique de la santé publique fondé en 1872 par Louis Pasteur et Claude Bernard. Composée de professionnels du médico-psycho-social, de la prévention et du plaidoyer, l’association agit au plus près des populations et intervient sur toutes les addictions (tabac, alcool, cannabis, médicaments psychotropes, pratiques de jeux excessives, drogues illicites et autres addictions sans substance).

En plus d’informer, de sensibiliser et de faire de la prévention pour tous les publics, elle gère plusieurs dizaines de centres en addictologie en France métropolitaine et en Outre-mer, propose des formations auprès des professionnels, tout en veillant au respect et à la défense de la Loi Evin.  Addictions France porte finalement un projet de société dans lequel la problématique des addictions n’est ni un tabou, ni une fatalité : ensemble, changeons le regard sur les addictions !


 

[1] LCEN : Loi pour la confiance dans l’économie numérique (Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004)

 

Contacts presse :

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